Magazine Journal intime

Roland de Roncevaux avait un cors (au pied)

Publié le 08 août 2008 par Mellebille

Salut les saucissons!

Oui, bon, c'est vrai, cette surprenante introduction frise le manque de respect, j'ai honte.

Mais si vous vous imaginez qu'une résurrection est chose facile, vous vous fourrez le coude dans l'essoreuse, rien n'est moins aisé que se ré-approprier ses fonctions vitales. J'en parlais récemment avec Roger Hanin, devant un

hanin
petit pastis-orgeat dans le port de la ciotat. A moins que ce ne fût à Bézauche sur Menoge, parce que finalement, la Ciotat, c'est assez moche. D'ailleurs, ça n'était pas Roger Hanin, c'était une poule d'élevage. Enfin bref, où j'irai, les potirons. Ah mais (pardonnez cette exubérance, somme toute relativement badine, mais incontrôlable, car voyez vous, je suis heureuse).

Oui, aujourd'hui, je bénis Thor, ses confettis célestes et son marteau chantant.

Je pourrais même embrasser Roger Hanin sur la bouche.

Pour la première fois depuis le 27 Mai, je n'ai pas mal.

A peine un ventre labouré de l'intérieur, à peine un nichon griffé, à peine un dos en compote.

wolverine
Car il faut dire ce qui est: depuis le 27 Mai, j'en ai bien chié.

Pour ce retour en fanfaronnade, je vais un instant laisser de côté la dérision délicate, parce que je suis très fière. Si. Même s'il est meurtri, couturé de tous les côtés, un peu déformé, je suis fière de mon corps.

Et bigrement heureuse dêtre en vie.

Je suis passée par à peu près tous les stades de la douleur et de la peur, et la mort a toqué sur ma tête pendant 10 jours entiers, entre autres sous la forme d'une hallucination particulièrement pénible: un ange au visage dévoré de vers était assis à mon chevet et tentait de me tuer.

Il était aussi réel que mon percepteur, la morphine et la mort sont de grands pourvoyeurs de cauchemars.

Je suis partie dans un voyage sauvage et glauque, des yeux jaunes et glacés suivaient le moindre de mes mouvements. Attachée sur mon lit, je me croyais tour à tour sur les rives du Gange, ou sur un fleuve en Bretagne; ce lit d'hôpital, c'était mon Styx à moi. Et tout ça était si réel qu'encore aujourd'hui, je suis hantée par ces images, bien plus que par cette cicatrice qui me raye de haut en bas.

J'ai mis deux mois à me tenir droite. Dévorée par des visions terrifiantes, j'ai eu si peur que ma rate en a explosé. Il a fallu l'enlever. La pauvre n'a pas tenu le coup.

Mais moi si.

Et la prothèse qui remplace aujourd'hui mon circuit de distribution aussi. Un mécanicien de génie a ouvert tout grand le capot et m'a greffé un miracle.

La cicatrice, c'est la carte au trésor, celle qui protège le butin, et qui indique que la vie est là: je suis vivante.

Il me restait 6 mois à vivre, au plus, et j'avais une chance sur 4 d'être tétraplégique. Je ne l'ai appris que récemment. Cette information rend le voyage encore plus magique, et force un respect définitif pour la moindre parcelle de vie.

ben_bille

Il y a 20 ans, une voiture a brisé mes os en 53 endroits, je n'aurais jamais dû remarcher. Deux années plus tard, je galopai, je nageai, je grimpai sur les montagnes, et j'oubliai du même coup à quel point tout ça était précieux, et court.

Cette piqûre de rappel arrive à point nommé, c'est une sacrée chance de respirer, de communiquer, d'aimer, et d'être attentif au moindre souffle.

Parce qu'un jour, les vers vont me manger.

Je suis vivante. 

Je marche, je ris, je vais pouvoir recommencer à faire tout plein de bêtises, j'ai une troisième chance. Comme si une créature magique me secouait dans tous les sens et me braillait dans les oreilles: "Tu vas finir par comprendre,  oui ou merde??!!!??"

Je crois que oui.

Cette fois-ci, je n'oublierai pas que je suis une enfant gâtée par la vie.


Retour à La Une de Logo Paperblog