Gloire à toi, J

Publié le 11 avril 2008 par Mellebille

"Laissez moi mourir, Doc, ça ne vaut pas la peine de s'acharner" murmurai-je, languide, au jeune médecin qui palpait habilement mon sternum, et manipulait dans le même temps son stéthoscope comme s'il s'agissait d'une foreuse. Je reconnais que faire appel 2 fois à SOS médecins en 4 jours peut paraître un peu louche, à l'instar de ces femmes qui bouchent exprès leurs canalisations pour le plaisir douteux de converser fuite avec un plombier; mais j'ai deux bonnes raisons: l'apparition soudaine d'un désordre cutané aussi vilain qu'imprévisible, 24 heures après la prise des premiers médicaments ( en gros, mes mains et mes avant-bras ressemblent aujourd'hui à une planche d'anatomie illustrant la variole), et un léger doute quant à l'efficacité des remèdes prescrits par le premier médecin. Sans compter qu'on peut faire jouer les Gypsy Kings au complet sur mon front, ça ne les changera pas du brasero classique à la lueur duquel ils réinventent chaque jour l'art du chant grégorien, et dont ils se servent ensuite pour faire griller des sardines.

Avant d'aller fracturer le coffre fort de Roger Hanin.

J'ignore de quelle école de médecine sort ce premier docteur, mais je le soupçonne d'avoir complété sa formation avec un herboriste du parc de la Vanoise, ou un grand druide du "Breizh ma bro de Languivinec an eol ha zo glaz" de Brocéliande. Quasiment gazeux, il m'a auscultée comme on ausculte un parchemin rare, le visage affublé de ce grand sourire un peu niais qu'affectionnent Nicolas Hulot et Allain Bougrain-Dubourg ( maintenant que j'y repense, il avait même cette étrange coupe de cheveux moyen-âgeuse qu'on retrouve sur certaines gravures d'époque ). Il a diagnostiqué une pneumopathie, mais m'a conseillé de faire fi d'une médication coûteuse et dangereuse.

Aussi m'a-t-il prescrit quelques placebo en "ium", du miel, une patte de lapin, et UN médicament à consonance vaguement allopathique. Il m'a ensuite recommandé de me frotter l'intérieur des poumons à l'aide d'une éponge naturelle. Pour finir, il m'a décrit les différents arômes des sirops Dollin, afin que je fasse le bon choix gustatif, et m'a caressé la cage thoracique, avec une infinie compassion. Puis il est parti en dansant comme un elfe, dans son sillage flottait une douce effluve de thym, il fredonnait une chanson de Maxime Le Forestier.

Deux jours plus tard, j'étais sans muscles, et la copropriété tenait ma toux pour responsable de la fissure de 3 mètres qui zébrait dorénavant la façade de l'immeuble. Et mes mains ressemblaient à celles d'un apiculteur novice, et imprudent.

Incapable de me déplacer normalement (je veux dire par là que j'aurais pu ramper, certes, mais ça n'est pas un service à rendre aux enfants), je rappelai derechef SOS, précisant cette fois-ci qu'ils seraient bien avisés de ne pas m'envoyer Nicollain Bougrhulot-Duboushuaïa s'ils voulaient s'éviter des dommages collatéraux fâcheux.

Je connais très bien les membres de la pègre Marseillaise.

Même, ils m'apprécient.

"Avez-vous de la fièvre?" se renseigna Leone ( ceci n'est pas un jeu de mot pourri sur la Sierra Leone. Cliquez sur le lien si vous l'osez). Je posai un carambar sur mon front, il fondit instantanément. "oui, il semblerait " répondis-je, de cette voix incertaine et galactique dont la maladie nous affuble tous un jour ou l'autre.

Manifestement, la technique du Carambar n'a pas encore reçu l'aval de la profession, car Leone me demanda de lui fournir de plus amples précisions. Je répondis très vite: "39,2". C'est triste de devoir mentir, mais nous ne sommes pas tous équipés comme le CHU de Grenoble, et je n'ai jamais été capable de décrypter un thermomètre, qu'il s'agisse de la météo du Cantal ou de la météo rectale.

Mettez ça sur le compte d'une insuffisance cérébrale, je n'ai pas honte.

Bref, dans les deux heures, un allopathe convaincu frappait à ma porte de son petit maillet à réflexes, et diagnostiquait dans la minute un début de pneumonie. Une vraie.

Les jambes et les bras en gaz, c'est à cause du manque d'oxygène dans le sang. Du coup, vous vous déplacez comme un théorème mathématique.

Alors je veux bien croire qu'il ne soit pas nécessaire de faire appel au scalpel pour soigner un bouton de pus, mais le cataplasme de fougère macérée se révèle tout aussi inefficace sur une fracture ouverte.

Et les mains d'apiculteur, on s'en fout, c'est une allergie.

Probablement dûe à un des placebo de oui-oui le médecin de Francis Cabrel.
Celui qui exerce dans la cabane au fond du jardin.