Avons-nous déjà évoqué la religion ensemble ? Ohhh... Sujet périlleux, Mademoiselle ! J'avais déjà dû en parler plus ou moins, dans cet article notamment. C'était plus moins que plus... Certes. Je n'ai jamais vraiment parlé avec toi de mon idée de Dieu.
Nous avons tous besoin de quelque chose auquel nous accrocher. L'idée du vide, des hommes face à eux-mêmes, livrés à eux-mêmes, peut être angoissante. On s'interroge sur l'existence du monde, sur le pourquoi du comment on a atterri là, nous, en tant que personne. Pourquoi tel spermatozoide a fécondé tel ovule, pourquoi nous sommes tels que nous sommes. L'idée du hasard peut effrayer. Elle t'effraie ? Elle me titille un peu, disons. S'il ne me fait pas peur, ce cheminement existentiel vient souvent frapper à ma porte dans les instants difficiles, quand vient le moment de faire un choix, par exemple. Et parfois, je me dis que s'il existe, là-haut, le vieil homme doit bien rire... Alors tu crois en Dieu ?! Non. Ton raisonnement est légèrement contradictoire, Mirabelle...
On a besoin d'être rassuré. De se dire que nous ne sommes pas seuls. Que quelqu'un est responsable, responsable de ce que nous sommes. Après tout... C'est le vieil homme qui a puni Adam et Eve pour avoir croqué dans la pomme, nous sommes donc des victimes indirectes. Oui, mais en prenant les choses par l'autre bout, on peut aussi dire que c'est Dieu qui nous a permis d'être sur terre ! C'est là qu'on s'aperçoit que notre rapport à la divinité est très ambivalent. D'un côté, quand on a ne serait-ce qu'un MINUSCULE aperçu de ce qu'est notre "lot", la terre avec ses guerres, ses inégalités, la famine, l'injustice, on se dit que Dieu doit être bien mauvais pour avoir laissé faire ça ! Et de l'autre... De l'autre, les croyants (car ce n'est pas ainsi que moi, je fonctionne, et je ne pense pas être la seule...) remercient Dieu pour leurs réussites ou les tâches à accomplir : ainsi, un coureur de fond que je ne citerai pas (c'est un Français très très connu !), vainqueur des Championnats d'Europe, remerciera Dieu au micro de France 2, car ce serait Dieu, d'après lui (et permets moi d'en douter !) qui l'aurait fait gagner ! Et ça, bon dieu... Mirabelle ! Et ça, bon sang, je n'en reviens pas !
C'est là que je me dis qu'au fond, la foi, c'est de la sélection. Dieu est toujours celui qui vient en aide, jamais celui qui punit. Si on perd un enfant en bas âge, on dira que Dieu l'a rappelé en lui, on ne lui en voudra pas. La pauvre maman se contentera d'implorer l'aide de Dieu pour surmonter cette épreuve, elle ne lèvera pas les yeux au ciel pour incriminer Dieu et l'accuser de cette injustice. En fait, je me dis que la foi aide à tenir le coup, à accepter notre condition. Je me dis que la vérité importe peu. On ne saura jamais si Dieu existe. Cependant, ceux qui ont décidé de le croire ont choisi de se rendre la vie un peu plus douce, en cherchant un soutien. C'est louable. Et je le comprends. Après tout, que Dieu soit responsable de nos malheurs ou non, ce dont on peut être certain, c'est qu'il ne descendra jamais sur le plancher des vaches pour nous faire un petit coucou, et ce qui compte, pour nous autres mortels, c'est d'être heureux et de rendre notre court passage sur terre le plus agréable possible. Mais ce n'est pas ainsi que je fonctionne !
Moi, je crois en l'homme. C'est d'une banalité à pleurer de dire ça, mais c'est vrai. Quand on m'accuse d'être trop optimiste, d'espérer qu'un jour, le monde changera, et ce grâce à la volonté de tous, grâce à nos forces toutes entières réunies, à nos rêves, à notre dépassement, je l'assume. Quand j'espère qu'un jour, les hommes seront égaux de fait et non plus de droit, je l'assume. Personne ne sait si mon voeu s'exaucera. Mais le fait même d'y avoir songé m'aura rendu la vie plus douce. Car je n'ai pas envie de m'en remettre à l'existence d'un hypothétique seigneur pour vivre ce que j'ai à vivre parmi les miens. S'il y a des guerres, des injustices, c'est de notre faute, à nous les hommes. Si nous sommes capables de combattre les maladies, si la chapelle Sixteen existe, c'est à cause de nous, les hommes. L'homme est capable du pire comme du meilleur et je n'ai pas envie de mêler quelqu'un d'autre à tout ça.
En fait, ce qui me gêne le plus, dans la religion, c'est son déterminisme. Il peut être terrible. Oui, comme tous ces hommes de votre époque, qui se font sauter au nom de Dieu, tout ces hommes prêts à commettre les pires atrocités au nom de Dieu, par fanatisme... Ca, évidemment, c'est un cas extrême ! Mais il se répand, malheureusement. Ce qui me dérange, dans le type de comportement énoncé plus haut, c'est que l'homme n'est vu que comme un simple instrument, un jouet banal que notre soit-disant créateur manipulerait à sa guise. Le coureur dont je parlais précedemment a pourtant dû s'entraîner très dur pour en arriver là où il est et j'aurais tendance à penser que sa victoire n'est que le fruit de ses efforts, et qu'il l'a bien méritée. A vrai dire, je ne vois pas trop ce que Dieu vient faire là-dedans. Et s'il avait perdu, aurait-il affirmé que c'était Dieu le responsable ? Lui en aurait-il voulu ? C'est peu probable ! C'est évidemment bien plus inquiétant lorsqu'il s'agit de crimes, comme tu le disais, Victor. Dans ce cas, il semblerait que l'homme n'a plus le choix, ni du bien ni du mal. Il n'y a plus que Dieu, Dieu, Dieu, c'est comme si l'individu avait perdu l'entendement. Comme si lui-même et les autres lui devenaient insensibles, et qu'il n'était plus que mis au service d'une cause, d'une mission, celle de satisfaire Dieu. Comme un robot qui exécuterait des ordres. Et ça, tu vois, c'est un aspect de la religion qui me fait peur. Heureusement, tous les croyants ne sont pas ainsi ! Ouf...
Tout ce qu'il faut espérer, c'est qu'un jour, croyants et non croyants seront capables de cohabiter, en se respectant, en se tolérant mutuellement. Ca, c'est loin d'être gagné... C'est l'histoire de notre monde, tu le sais !