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Elle regarda le ciel

Publié le 12 novembre 2008 par Unepageparjour

Début de Habélard et Lola

Elle regarda le ciel. Le soleil lui sembla chaud. Les ombres s’étaient éteintes. La lumière de l’été enroulait chaque brin d’herbe, caressait chaque motte de terre. Le granit de l’auge brillait d’un éclat blanc. Les lichens se recroquevillaient au bord de la pierre. Lola distinguait un voile irréel s’échapper de la surface de l’eau, donnant au bocage ses couleurs impressionnistes. Elle se déplaça de quelques pas,  pour poser sur la chaleur brute du bois de la barrière sa main d’enfant. Dans le silence, chantaient des poignées de sauterelles qui s’échappaient sous le hasard de sa marche. Elle continua le long de la clôture. Les fils barbelés entouraient le pré  d’étincelles d’argent. Au fond, dans la grande haie, les chênes, les ronces et les aubépines qui d’ordinaire chahutaient sous la brise, se tenaient immobiles, écrasés de soleil.

Puis, revenant vers l’homme et les deux chevaux, d’un grand geste qui embrassait cet horizon, elle murmura :

La voici, ma télé. Ce pré, ces arbres, cet arc-en-ciel de couleurs ! La vie des fourmis, des criquets, des taupes et des musaraignes. Les merles et les bergeronnettes, sans compter toutes ces hirondelles qui nous assomment de leurs cris toute la journée ! Les pissenlits qui fleurissent et leur têtes de coton quand ils sont bien murs. La saveur de l’herbe chaude dans les doigts. La caresse du vent léger. Les visages toujours différents de ces grands nuages qui nous regardent de là-haut. Oui, la voici, ma télé ! Je viendrais tous les jours, pour la regarder, avec Habélard, si vous le voulez bien, Monsieur Robert. Je ne ferai pas de bruit pour entre chez vous, je viendrai sur la pointe des pieds traverser votre pré, et je m’assiérai là, sur votre canapé de paille fraîche, sous votre pommier lumineux, à côté de mon ami. Je ne monterai pas le son trop haut, juste ce qu’il faut pour écouter la brise enchaîner ses vocalises dans les branchages. S’il vous plait, Monsieur Robert, dîtes oui ! Allez, donnez moi votre autorisation. C’est vrai, je suis venue aujourd’hui comme une petite voleuse, poussant la porte de ce paysage par effraction, mais je n’ai rien emporté, je vous le promets, car vos pommes ne sont pas encore mûres ! Et puis, comme cela, votre vieille télé, gardez-là encore chez vous ! Peut-être, après tout, que la neuve va craquer ce soir, et que vous serez bien embêté.

Monsieur Robert, ébahi de ce flot de paroles insensées, qui sortait si vite de la bouche d’une si jeune fille, s’en fut, d’un haussement d’épaules.

Oui, pensait-il, elle a sans doute raison, pour ma télé. Si l’autre vient à tomber en panne, je serai bien embêté. Je vais quand même téléphoner à ses parents.

Television en pleine nature

Illustration de Coq (c)


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