Magazine Journal intime

L'ange Claque-des-dents

Publié le 14 novembre 2008 par Lephauste

Tant qu'il s'est agit de l'avoir dans le dos pas un bruit d'aile ne me le signala. On n'a pas d'ange à portée de voix quand on avance courbé, contre vents et marais, les empreintes prises en la tourbe d'un chemin où sans croix on ne gravit que des tas de cailloux sous les hourras du vent bise. Faisons la part des choses, un ange n'est le bien venu qu'aux instants de tourmente qui précèdent la grâce. Mais là point de grâce ni de divin, rien qu'un quotidien de cheval de trait. De ces chevaux dont mon grand-père disait qu'ils étaient au moins aussi stupides que la mort. Il en possédait deux de ces traits que même l'apocalypse laissaient perplexes. Nulle part dans le texte de Jean il n'est fait mention, au sujet des quatre cavaliers, d'un tombereau de fleurs coupées descendant pesamment de Montreuil vers Saint Eustache, au pas de deux lourds palefrois de race percheronne, par la rue de Rosny. A tirer par rues et impasses le lourd tribut d'une hérédité de sans destin fixe, on se fait un sillon de tout au dégoût.

J'allais donc sous le duvet de plomb de mes nuits gazées quand un jour, un jour où le soleil et moi nous évitions de nous regarder en face, je le trouvais là, dans une vitrine du quartier rouge. Il avait l'air de se les geler ferme et proposait des services d'escort girl aux quidam's pour qui l'amour de dieu à un tarif. Je jetais mon barda au pieds de la vitrine et le regardais au travers de la vitre blindée. Entre deux clients-rois il brodait des auréoles aux aisselles de ceux qui suant dans l'effort reproductif font de leur cravates des suspentes pour en finir avec le noeud coulant de la vie morne. Il claquait ... il claquais des ... il claquais des dents.

Un ange a-t-il des dents ? Quand nous aurons fini de nous demander si sexe il y a sous la robe, nous aborderons cette autre controverse et tenterons ce faisant de rendre au vatican sa juste place de lupanar géant. Nous nous faisions peine lui elle et moi, ça se voyait. Alors m'armant d'une barrière anti émeute, je brisais le blindage et la vitre vola en éclats. J'étais à cette époque d'une ardeur peu commune quand il s'agissait de niquer le tabou. Je le saisis délicatement par les ailes, reprit mon barda et les juchais tous deux sur mon épaule. J'avais un ange, un ange qui claquait des dents, un ange enfin et le soleil pouvait bien rôtir toutes les volailles de Marbella à Goa, j'avais un ange et lui ne m'avait pas moins. De ses ailes je ne saurai que dire. Les anges ont-ils des ailes ? Encore, entre vous et moi, une bonne dispute que sa sainteté benoite qui dort lui dans du duvet d'oie blanche pourrait bien faire un peu trembler, la nuit quand mon ange me quitte et brode sur le saint siège des auréoles de tartare.

(A Marie, chère pensée.)


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