Bien entendu, le soir, ce fut la même histoire.
Nous devons te dire quelque chose, disaient ses parents.
Monsieur Robert a eu la gentillesse de nous prévenir. Mais pourquoi toutes ces histoires ? Nous t’avions dit hier que nous avons beaucoup de soucis à la boulangerie. Que nous ne savons pas si nous allons pouvoir encore longtemps tenir comme cela. Et voilà que toi, tu n’en fais qu’à ta tête. Pourquoi as-tu refusé la télé de Monsieur Robert ? Elle n’est peut-être pas du dernier cri, c’est sûr, mais que veux-tu, nous n’avons pas les moyens d’en acheter une, en ce moment. C’est très gentil, à Monsieur Robert, de nous la prêter, sais-tu ? Et toi, tu refuses, tout net ! Il ne faut pas faire la difficile. Tu connais bien notre situation, tout de même, depuis le temps. Nous ne t’avons rien caché. La vie est dure, voilà tout. C’est comme ça. Nous n’y pouvons rien.
Sa mère s’énervait toute seule. Elle allait et venait dans la salle à manger, par petits gestes saccadés, pliant et repliant un torchon, sans fin, sans réfléchir. Lola l’imaginait, comme une pauvre abeille effarouchée, perdue dans un labyrinthe dont elle ne savait retrouver la sortie.
Alors, doucement, pleine de compassion, elle prit sa mère dans ses bras et lui caressa le dos.
Oh, tout cela n’est pas bien grave, expliquait-elle à sa mère. Cette histoire de télé, je veux dire. Il fait beau, c’est l’été, je préfère simplement rester dehors, avec les chevaux de Monsieur Robert. Tu sais, Aicha a eu son bébé, hier. Il s’appelle Habélard. J’irai lui rendre visite tous les jours. Nous passerons les vacances ensemble. Ce sera bien. J’aurai plein de petites flammes de joie à vous raconter, chaque soir, quand vous reviendrez de la boulangerie.
Illustration de Coq (c)