Reims a fait Pschitt et les socialistes se retrouvent ni plus ni moins avancés en ce lundi qu’ils ne l’étaient à l’issue du vote au sein des sections de la semaine précédente. Unique clarification : le seul vrai perdant du vote sur les motions, Bertrand Delanoë, aura mis 10 jours à comprendre qu’il devait se retirer de la course au 1er secrétariat.
Match vraiment nul. Tous égos. Balle au centre.
L’avantage de la situation, c’est que le choix offert aux militants est désormais assez clair.
Une option « à gauche toute » incarnée par Hamon, qui bien qu’ayant perdu ses deux principaux soutiens, Mélenchon et Dolez, compte sur son réel charisme, sur la cohérence de son parcours et sur les envies de rénovation de la base pour ouvrir une nouvelle page du Parti. Il devra toutefois expliquer comment ses 19% du « premier tour » peuvent se transformer en 51% du deuxième ou du troisième tour. Peut-être en s’inspirant de Dieu le Père François, qui réussit à Epinay à passer de 15% au 1er tour (contre 34% à la motion Savary-Mollet) à 51% au second, en laissant sur place Savary. Mais n’est pas Mitterrand qui veut…
Une option « gauche œcuménique » rassemblée autour d’Aubry. Difficile pour elle d’incarner une véritable rénovation (avec Fabius et l’aile gauche des amis de DSK dans ses bagages), mais son ancrage à gauche est incontestable, son austérité façon Mendes et Jospin rassure et sa capacité de synthèse semble indispensable au pilotage de ce bateau ivre que devient le PS. Et comme Dieu le Père François, elle arrive de la « démocratie chrétienne » à la française, ce qui peut rassurer quelques centristes, sans devoir passer par la case « Bayrou ».
Enfin, une option « Ségolène », un courant de pensée à elle toute seule, aux affinités allant de Chevènement à Bayrou (cf la dernière Présidentielle), sans expérience de responsabilité réelle au sein du Parti mais forte de son aura médiatique. Elle propose aux militants un schéma inédit, un « ticket » à l’Américaine, avec Peillon dans la salle des machines et elle sur le pont supérieur. Peillon, qui se sent à l’aise avec les 10.000 suppressions de poste de Darcos (« Faire un service minimum dans l’Education n’est pas dérangeant (…). Le vrai problème, ce n’est pas les 10 000 postes. (…) La question, c’est d’être capable de dire ce qu’on fait de l’éducation dans ce pays, et comment après, effectivement, on va soustraire ces 10 000 postes. » ; déclaration faite chez Calvi) et les stocks options chez Airbus (« Moi, je ne suis pas du tout pour la suppression des stocks options, je pense qu’elles ont un rôle. » ; déclaration en pleine annonce du plan Power-8 ).
Le curieux de la situation réside dans cette étonnante « constitution » dont s’est doté le PS. Instaurer l’élection du 1er secrétaire au suffrage universel des adhérents, tout en plaçant cette élection 5 jours après le Congrès qui doit se prononcer sur une ligne politique (les motions) est une ineptie politique absolue. Car de deux choses l’une : ou bien la synthèse majoritaire se fait lors du Congrès (comme se fut le cas lors des derniers Congrès du Mans, de Dijon ou de Grenoble), et alors un seul candidat se présente face aux militants, recueillant entre 70 et 80 % des suffrages, à l’occasion d’un scrutin mascarade ; ou bien il n’y a pas de synthèse (comme à Reims), et on aboutit à une mécanique purement Présidentielle, ou les militants votent pour une personne, sans que sa ligne politique ait été approuvée au « 1er tour » (celui du vote pour les motions), et rendant alors le Congrès totalement inutile.
Il est grand temps que le PS choisisse une fois pour toute une position claire quant à sa relation avec le Présidentialisme. Ou bien il se souvient de son opposition passée à l’élection du Président de la République au suffrage universel et prône l’avènement d’une 6ème République (combat que mena en son temps Montebourg et que mène toujours C6R, la « Convention pour la 6ème République »), et dans ce cas il doit revenir sur l’élection du 1er secrétaire au suffrage universel et s’en tenir au Congrès et à ses négociations autour des motions. Ou bien il sort de sa schizophrénie en assumant la Constitution Gaullienne, et dans ce cas il fait ce que Jospin a fait avec l’inversion du calendrier électoral post-quinquennat : on choisit d’abord le 1er secrétaire au suffrage universel, puis on organise les instances et la ligne politique autour de ce nouveau « Président ».
Faute de réforme dans les 2 ans qui viennent, la préparation de la Présidentielle de 2012 sera en effet nécessairement chaotique. Car la nouvelle « constitution » du PS prévoit qu’un 2ème Congrès doit être organisé dans le quinquennat, et que le Candidat à la Présidentielle doit être choisi par les militants. Le 1er secrétaire élu cette semaine abordera ainsi le prochain Congrès en présentant son bilan de 2 ou 3 ans de pilotage du Parti, dont deux rendez-vous électoraux qui s’annoncent difficiles (compte tenu des très bons résultats obtenus aux dernières régionales et aux dernières européennes), et le 1er secrétaire issu de ce futur Congrès devra organiser les primaires pour la Présidentielle. Donc potentiellement 5 tours de scrutin (un pour les motions, deux pour le 1er secrétaire et deux pour le candidat présidentiel) pour finir d’enterrer le Parti ou pour le mener à la victoire.
Ce vrai sujet aurait mérité d’être débattu à Reims ou dans les sections. Dommage…