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Mstislav - Première partie

Publié le 19 novembre 2008 par Danielrondeau
Avant d'ouvrir la porte, j'ai regardé ma montre: 9h pile. L'homme faisait honneur à sa réputation de ponctualité parfaite. J'ai tout de suite reconnu l'accent slave avec lequel j'avais pris rendez-vous quelques jours auparavant.
- Bonnjhour, Dâniel. Je souis Mstislav. Je souis ici pour plancher de couisine.
Ma main droite s'est alors perdue dans une immense paluche qui, en d'autres temps, aurait pu étrangler trois Kazakhs d'une seule poigne, puis, je me suis collé au mur pour laisser passer cette masse de muscles slaves qui traînait derrière elle une sableuse à plancher de près de 200 kilos comme si c'était un sac de golf.
Une fois dans la cuisine, l'homme s'est agenouillé, a flatté les lattes noircies par des années de prélart, puis a reniflé le plancher dans une position rappelant la prière musulmane. J'ai souri discrètement devant l'amusant manège. Mstislav est resté dans cette position étrange suffisamment longtemps pour que j'en ressente un léger malaise. Au moment où je me décidais de partir dans une autre pièce pour laisser le Russe à sa méditation, il a lancé d'une voix forte mais posée:
- Chêne. 80 ans. Prélart depuis 50 ans. Peu colle. Beaucoup cire. Plous de travail. Au moins oune heure avant couche.
Il inspira puis a laissé tomber, comme si c'était dans l'ordre normal des choses:
- Il y aura soupplément.
J'étais incapable de saisir si c'était une blague, une menace, une promesse ou un simple constat. Sans attendre une réponse de ma part, il a posé un masque sur son visage, a branché la bête chromée qu'il avait rentrée avec lui, s'est sanglée à elle, l'a enlignée avec les lattes, et a fait basculé l'interrupteur. Le bruit et la poussière m'ont chassé et j'ai laissé le colosse à son ouvrage.
Depuis le salon, j'entendais la sableuse arrêter et repartir à intervalles réguliers. Pendant chaque silence, j'entendais l'homme parler doucement en russe, comme s'il dialoguait avec le plancher. Soudainement, il cria:
-Dâniel!
Je suis sorti de mon refuge. Dans un nuage de poussière de bois, l'homme était appuyé sur son engin maintenant recouvert d'une poudre beige.
- Je vais aller boire, a dit Mstislav en toussotant. Pour poussière, a t-il précisé. Je reviens vite et poursuis travail. Puis il est sorti par la porte arrière.
Un peu moins de la moitié du plancher avait été sablée et sa nouvelle allure me confirmait que j'avais fait le bon choix, mais les 90 minutes qu'avait exigées le sablage de la première moitié de la surface n'annonçait rien de bon quant à la somme au bas de la facture que me tendrait bientôt le Russe.

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