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Mais le quotidien

Publié le 20 novembre 2008 par Unepageparjour

Début de Habélard et Lola

Mais le quotidien bien sec des jours de collège s’illuminait les mercredis, le jour du sport. Ils s’en allaient à plusieurs classes, à quelques centaines de mètres du collège, près d’un petit bois bordé de chemins creux, aux pentes délavées, pleines de trous, de bosses et de racines. Pendant deux bonnes heures, les professeurs papotaient sur de vieux troncs abattus par les ans, pendant que la meute des adolescents essayait de courir sous la pluie fine de l’automne. La plupart détestaient cette peine inutile. Ils se mettaient à marcher, en soupirant, par groupe, piétinant au pied des montées et s’arrêtant sous les arbres, pour chercher un abri précaire sous leurs branches noires. Puis ils reprenaient leur course lente, de leur pas lourd qui s’affaissaient dans l’argile détrempée des chemins de terre.

Lola était bien différente. Elle humait l’air frais, heureuse de ce moment de liberté qu’on lui donnait à l’extérieur des quatre murs jaunis des salles de classe. Elle se redressait. Ses pieds s’agitaient, impatients, puis ses foulées s’envolaient, portant son corps tout entier vers l’invisible. Elle en ressentait chaque muscle, chaque articulation, chaque tendon. Elle redevenait vivante. Sa respiration devenait profonde, pleine, et son cœur applaudissait à chaque mètre parcouru. Le sang palpitant et frais qui parcourait son corps se mêlait à la pluie légère. Les parfums multicolores du sous-bois, les senteurs exquises des champignons sauvages, l’humus, qui respirait sous ses pas, s’exhalaient dans son sillage et se fondaient dans sa propre odeur. Elle devenait forêt. Elle devenait rivière.

Sa course sereine l’emmenait bien au-delà du périmètre délimité par les professeurs. Deux heures de liberté ! Quinze ! Seize kilomètres, peut-être. Elle courait seule dans les couleurs de l’automne. Infatigable. Sa respiration régulière s’unissait avec les brumes. Elle était si légère, tel un souffle, que son passage n’effrayait même pas les écureuils roux et les lièvres farceurs qui gambadaient devant elle.  

Au coup de sifflet qui résonnait au loin, elle accélérait, profitant des forces qu’elle avait su se conserver pour l’effort final, la dernière montée du grand chemin creux, la pluie plus forte battant son visage, ses cheveux flottant dans le vent. Ses cuisses, de plus en plus fortes, dures, escaladaient la pente, en sautant par-dessus les racines et les trous béants. Le groupe des autres, qui l’attendaient pour repartir au collège, grossissait, très vite, et Lola s’amusait à accélérer encore, pour finir comme un cheval de course derrière le fil d’arrivée de son imaginaire, à plein galop, le corps couvert de sueur.

Après, ils fallaient, deux doigts posés sur la carotide, compter les battement de son cœur. A chaque fois, Lola, bien sûr, qui avait un chiffre deux fois plus petit que les autres, se faisait gronder par les professeurs, qui s’étonnaient qu’au collège, certain ne sût pas encore compter !

Puis ils s’en revenaient au collège, fourbus, la tête basse et raclant des pieds. Lola, heureuse, marchait légère.

La récré


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