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Hugues Royer : “Mylène Farmer ne s’aimait pas”

Publié le 20 novembre 2008 par Nicolas Koenig

Interview - Hugues Royer, auteur du livre “Mylène”, chez Flammarion, confie à LCI.fr son interprétation de l’enfance de Mylène Farmer et de ses motivations artistiques.

LCI.fr : Dans votre livre, vous citez Mylène Farmer : “Pendant 23 ans, j’ai maudit ma mère de m’avoir mise au monde”. Quels rapports la chanteuse entretenait-elle, enfant, avec sa mère?

Hugues Royer, auteur : Des rapports compliqués et conflictuels. Mylène avait le sentiment que sa mère ne l’a comprenait pas, par exemple, lorsque cette dernière s’est opposée au fait qu’elle abandonne le lycée à 18 ans. Mylène a toujours eu un problème avec l’existence. Elle est de ces gens qui n’ont pas un grand désir de vivre et qui se demandent la raison de leur présence sur cette terre. Comme Mylène était en contradiction avec sa mère, c’est sur elle que s’est cristallisée son angoisse de la finitude et de la mort. A cette époque, la mère de Mylène Farmer était une femme soignée, apprêtée et un peu bourgeoise. Par provocation, Mylène va s’habiller comme un garçon, un peu n’importe comment, pendant son adolescence.

LCI.fr : Mylène Farmer était-elle un garçon manqué?

H. R. : Plutôt une fille manquée. Elle avait un problème d’identité. Elle ne se percevait pas comme un garçon mais pas non plus comme une fille. Elle aurait aimé ressembler à une fille mais elle ressemblait plutôt à un garçon. Elle avait des cheveux courts. Elle jouait à des jeux de garçon. Elle était intrépide. Alors, elle a joué de cette ambigüité par provocation. Ainsi, le titre Sans Contrefaçon est vraiment autobiographique. C’est un moment de sa vie en chanson. Mettre un mouchoir dans son pantalon, Mylène l’a vraiment fait.

LCI.fr : Et son père dans tout cela?

H. R. : Mylène Farmer ressemble à son père, timide et effacé. Elle lui vouait une grande admiration. Il fut un peu absent dans les premières années de sa vie car il s’occupait de la construction d’un barrage, à plus de 1000 kilomètres de l’endroit où sa famille vivait, dans la région de Montréal. D’ailleurs, d’après moi, la grande déchirure dans l’existence de Mylène, celle qui explique son univers artistique, c’est le fait d’avoir dû quitter le Québec pour rejoindre la France, à huit ans. Le Québec représente, pour elle, le paradis perdu, la nature, le silence, en opposition avec la banlieue, son béton et ses nombreux habitants. Le Québec, c’est la neige, omniprésente dans ses clips, cette blancheur qui va recouvrir ses souvenirs. Dans ses vidéos, Mylène Farmer recrée l’ambiance ouatée de son enfance qu’elle n’a jamais quittée.

LCI.fr : Dans votre ouvrage, vous décrivez la “timidité maladive” de Mylène Farmer. Pas idéal pour percer dans la chanson, non?

H. R. : Si on ajoute à cela qu’elle était également incapable d’évoluer sur scène, on se rend compte à quel point elle est une bosseuse. Elle voulait devenir quelqu’un et montrer à ses parents qu’elle pouvait y arriver. Au début de sa carrière, sa mère ne croyait pas en elle. Avec sa chanson Maman a tort, Mylène lui lance un défi. Elle va lui montrer de quoi elle est capable. Dès qu’elle a réussi dans la musique, elle s’est réconciliée avec sa mère. Son père, lui, va mourir, en 1986, alors qu’elle commence à goûter le succès avec Libertine. Elle a donc réussi à lui montrer qu’elle réussirait sa carrière. Elle a, de même, toujours choisi de s’entourer de gens qui allaient l’aider à vaincre les obstacles, comme Laurent Boutonnat, son mentor qui exercera une fonction paternelle et croit en elle, contrairement à sa mère.

LCI.fr : D’après vous, Mylène Farmer ne se trouvait pas très jolie non plus…

H. R. : Elle ne s’aimait pas et avait beaucoup de complexes. Elle n’appréciait ni son nez qu’elle trouvait trop grand, ni son regard, pas plus que ses cheveux. Puisqu’elle ne se trouve pas belle, elle sera sublime. Elle n’a pourtant jamais fait de chirurgie esthétique et demeurera très naturelle. Par son rayonnement, son intelligence et son corps magnifique, elle saura valoriser ses atouts au mieux.

LCI.fr : Comment expliquez-vous son succès si durable?

H. R. : Par sa détermination sans faille à vouloir devenir quelqu’un et par le soutien de Laurent Boutonnat qui a façonné son image et lui a offert ses plus belles mélodies. Cette réussite est le fruit de la rencontre de deux ambitions qui allaient dans le même sens. Mais si elle est au top depuis 25 ans, c’est surtout aussi en raison de son positionnement anti-people qui correspond à sa personnalité profonde. Mylène a su se faire rare dans les médias. Et comme toute chose rare, elle est chère, donc précieuse.


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