On pond des oeufs-vérité dans des coquilles dorées comme des crânes peints. A se prendre pour des prêtres azteks, la gueule coincée dans un masque ridiculement grand. Démesurés. Pourtant on s'interdit bien de rêver, on s'invente un mépris de l'utopie ostensible pour se donner un air raisonnable, concentré, intelligent ou intelligible. Pour mieux crever l'abscès de la résignation, on invente le pragmatisme, et on s'imagine emprunts de dignité malgrés nos frocs baissés sur nos chevilles, et nos fesses grasses qui sont des appels au viol. Retranchés sur des ages dorés que personne n'a connu. On est vendeurs, psychologues et ouvriers, on est un métier, on se plait à se définir par la manière dont on se fait exploiter/enculer. Fiers comme un enfant qui fait dans son pot pour la première fois. Je n'oublies jamais ce sourrire grotesque, je le vois sur toutes les faces. On s'fait quand même des cadeaux, hein. On s'aime bien les uns les autres, on s'croise avec nos trainés d'indifférence, on s'agite comme des mouches sur la merde d'un monde-cadavre qu'il faut bien finir d'exploiter.J'ouvre une mine dans ta chair, je suis un entrepreneur si je veux. J'ai un concept, j'vais bouffer d'la part de marché comme on déflore un chiot. En attendant je fais des crédits, je monte des dossiers et je me renseigne sur les mesures de désendettement, on sait jamais le monde est cruel avec les génis. D'la trampe des seigneurs dans ce monde de cafards. Je reigne sur les coléoptères monsieurs. Des cravates ou des ailes, s'agit de s'trouver du bon côté d'la lutte des classes. Parce que la lutte, c'est classe. Comme un T-Shirt de Staline dans un congrés du MEDEF. Classe comme un badge "Fuck me I'm Maurice Papon" au congrés d'été d'la LCR. C'est un concept, laisse tomber j'te dis, t'es vraiment pas armé pour m'adresser la parole. Moi j'me ferai casser la gueule juste pour toucher des frais d'justice. On survie comme on peut, les plus malins se font refaire les dents pour revendre leur mâchoir au prix d'lor, quitte à bouffer d'la soupe de caviar jusqu'à la fin du monde. On appellera ça l'insécurité, j'aurais une loge à mon nom dans les bureaux de TF1, je pourrais tutoyer la réceptionniste, et je vous vendrais ici-même le nom du vainqueur de la prochaine star'ac avant que vous ayez le temps d'voir la gueule à Castaldi. Un putain d'martyr qui va se faire saigner la cervelle pour racheter vos pêchés, sur les marches du temples à casser l'audimat "with teeth". Vivement la guerre, la vraie, en attendant, qu'est-ce qu'on s'emmerde. C'est la crise.