Mstislav revint 10 minutes plus tard avec une énergie nouvelle. Sans dire un mot, il reprit son poste derrière l'engin. Au moment où il mis le contact, je crus constater un éclat nouveau dans ses yeux et il me sembla que sa rosacée avait légèrement augmenté. J'attribuai cela à la probable rasade de vodka qu'il avait dû se glisser dans le gosier pendant sa pause puis j'allai vaquer à d'autres occupations pendant qu'il entreprenait la seconde moitié du plancher de cuisine.
Comme pour la première moitié, son travail fut entrecoupé de moult pauses où le Russe parlait au parquet de plus en plus fort. Au quatrième arrêt, Mstislav se mit à vociférer si fort que je n'osai sortir du salon de peur de ne pas y revenir vivant.
- Что вы, дорогой любви, я зайду ромашки песни птиц! Мы будем делать детей в поле цветы цвет ваших глаз!
(Étant donné que ce blogue se veut de bon goût - et qu'accessoirement, je ne comprends rien du russe - je n'ai pas transcris fidèlement les propos entendus…)
Mstislav continua à engueuler ce que je supposai être le plancher pendant trois minutes avant de tranquillement s'essouffler et de repartir la sableuse. Mais la machine se tut quelque secondes plus tard et laissa place à un lourd silence. Ce silence dura longtemps, si longtemps que je crus nécessaire d'aller voir à la cuisine ce qui s'y passait.
Quelle ne fut pas ma surprise de trouver le géant slave le front appuyé sur ses avant-bras, pleurant silencieusement de grosses larmes qui lui dessinaient des coulées propres sur ses joues couvertes de poussière. Je restai paralysé, muet, à quelques mètres d'un homme empreint d'une incroyable peine, trop loin pour le consoler mais trop près pour faire semblant de n'avoir rien vu.