Magazine Journal intime

Tristan und Isolde

Publié le 23 novembre 2008 par Thywanek
Voilà, c’est exactement ça lorsque ça a fonctionné. Que la magie a opéré. On rentre à la maison, on retourne chez soi. Et les voix continuent de chanter. La musique vous accompagne. Presque intacte. Les accords. Les accords sublimes, si particuliers, si reconnaissables, ceux du préludes, le dernier chant, le début si plein de noble et intense gravité du troisième acte. On s’enfonce dans la nuit avec toute cette grandeur. Tout ce son riche, puissant, tenu, déployé, violent, tendre, aérien, tellurique.
La place de la Bastille où s’est mis à souffler un vent froid devient le dernier cercle au travers duquel le cirque Wagnérien continue à se propager après les ultimes marées d’applaudissements, les ultimes salves de bravos. On est rempli de beauté. On en déborde. On en tremble encore. On est tellement content d’y avoir été. Il y a même cette petite satisfaction jalouse dont on jouit lorsqu’on a le sentiment d’avoir vécu un long moment privilégié.
C’était Tristan et Isolde, vendredi soir à l’opéra. La mise en scène de Peter Sellars. Les vidéos de Bill Viola. Et une distribution impeccable. Clifton Forbis dans le rôle de Tristan. Waltraud Meier dans celui d’Isolde. Ekaterina Gubanova dans celui de Brangäne. Alexander Marco-Buhrmester dans celui de Kurwenal. Ralf Lukas dans celui de Melot. Et Matti Salminen dans celui du Roi Marke, remplaçant le titulaire du rôle, souffrant. Titulaire sûrement très bien, mais Monsieur Salminen à sa place, franchement ç’avait un petit côté cadeau. Orchestre de l’Opéra de Paris avec Semyon Bychkov à sa direction.
Sobre cette mise en scène. Très sobre. Epurée dans le meilleur sens du terme. Les purs personnages du drame métaphysique de l’amour. Les pures voix dans leurs passions avec leurs effondrements, leurs plaies, leurs envolées, leurs douleurs. Quelques éléments musicaux installés dans la salle. La musique restituée par un chef d’orchestre inspiré. Et les images vidéo sur un grand écran en fond de scène.
Je ne vous rappelle pas le détail de l’histoire. Vous la connaissez. C’est l’histoire éternelle. L’amour, la mort, l’émerveillement, le désir, l’inaccessible, la destruction, la transfiguration. Et je ne vais pas non plus me lancer dans une analyse du projet de Monsieur Wagner. Ca a été fait, refait, débattu, contesté, réhabilité. Et puis chacune, chacun y trouvera son soi, au travers des grandes trajectoires que dessine cette idylle romanesque issue des plus anciennes légendes, des contes les plus obscurs et les plus lumineux que nos conscience si éloignées n’ont pourtant jamais pu tout à fait oubliés.
Pour moi c’est un vieux souvenir. J’en avais déjà un peu causé ici. C’est quelques part en 1975, un diffusion de cet opéra sur France Musique, que j’avais écouté comme un dingue d’un bout à l’autre, dans ma petite piaule d’ado, l’oreille scotché à mon transistor orange, tellement absorbé qu’au moment d’aller dîner j’avais envoyé boulé tout le monde, ce qui avait étonné un peu, et même assez impressionné de tel sorte que pour une fois on m’avait laissé tranquille.
Inoubliable évasion dans un univers que je découvrais et qui ensuite ne m’a plus quitté. Charme envoûtant d’une musique mystérieuse, si sophistiquée et cependant si prenante qu’on a envie de comprendre. Et qu’on en finit plus alors de l’explorer, d’y chercher un secret qui se trouve au delà des notes, des chants, dans une dimension où nous ne nous appartenons enfin plus, matière limitée, esprit contraint, cœur empêché.
Quelques mots sur les vidéos de Bill Viola. C’était un des aspects de cette mise en scène dont j’étais le plus curieux. J’avais vu il y a quelques années au musée Guggenheim de New York une exposition de ses œuvres, et j’avais beaucoup aimé.
Là, sur cet grande scène de l’Opéra Bastille, cet écran d’environ quatre mètres sur trois, et son contenu ne m’ont pas tout de suite convaincu. Cela a évolué tout au long du spectacle et finalement cela m’a conquis. Dernière scène, la mort d’Isolde, absolument fascinant.
En fait au début les images présentent des corps, qui se déshabillent et qu’on lave, corps d’un Tristan et d’une Isolde terrestres, sans qu’on puisse alors les rapprocher de ce qui se déroule sur la scène. Ce qui pose un peu problème car ce qu’on est venu voir et entendre se trouve un peu parasité par quelque chose dont on ne saisit pas tout de suite le rôle, ni la nécessité. Mais comme c’est réalisé avec une certaine intelligence, on reste sur une étrange faim après le premier acte, et on en est que mieux rassasié et comblé au deuxième, et plus encore au troisième. Jeu des scènes, des symboles, des éléments, l’air, la terre, le feu, la réapparition de l’eau, déjà présente, avec les corps célestes des deux héros à la fin du premier acte. Je regrette néanmoins qu’à des instants où cela s’y serait si bien prêté, l’écran dont le cadre varie deux ou trois fois, ne s’élargisse pas jusqu’à toute la scène pour absorber aussi ce qui s’y joue. Comme pour aboutir à une osmose attendue et peut-être pas entièrement atteinte.
Mais comme dit en commençant, nous en sommes sortis, avec Greg, bouleversé, touché. Il me dit à un moment : « C’est un peu dur de se retrouver là tout à coup. », alors que nous franchissions les portes de l’Opéra pour sortir, place de la Bastille, dans le froid soudain installé en l’espace de quelques heures, à grand coup de vent d’automne. Oui, c’es vrai. Ce fut un peu brutal. Faudrait peut-être instaurer un système de sas de décompression pour les personnes sensibles. Afin de redescendre par pallier vers la réalité, comme lorsque qu’on remonte d’une longue plongée.
Heureusement on peut s’en reprendre une coupe à la maison en se repassant les cd. Et puis on en a des petits bout qui traînent sur le web. Je vous en mets un pour ne pas finir cet article d’une manière trop aride. Ce n’est pas la mise en scène que nous avons vu. Mais c’est quand même Waltraud Meier. Et c’est Wagner. Et c’est, oui, la mort d’Isolde.

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