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La crise en débat

Publié le 24 novembre 2008 par Cameron

J’ai envie de penser que la fameuse et tentaculaire crise qui nous frappe en ce moment, crise financière, ou économique, ou les deux en un, ou autre chose encore d’indéfinissable, peu importe, que cette crise donc est avant tout une crise de la moralité. C’est facile, comme explication, réconfortant, même ; pour tout dire, cela a un côté « pensée magique » qui rassure en dédouanant les uns et en condamnant les autres. D’ailleurs, s’il ne s’agit pas d’une crise de la moralité, je ne sais pas ce que c’est, cette vague désespérante emportant l’économie installée, et l’ignorance est pire que n’importe quelle explication, n’est-ce-pas, c’est pour cette raison qu’il est si agréable d’adhérer aux théories du (ou des) complot(s).

Pourtant, je ne peux pas m’empêcher de penser qu’au fond, cette histoire n’a rien à voir avec une quelconque interrogation morale. Ni avec un choix de société. Ni avec tout ce dont on nous rebat les oreilles, dérives du capitalisme financier, perversion d’un système seul compatible avec la démocratie (le problème étant, bien sûr, que le capitalisme semble compatible avec n’importe quel régime politique, dictatures comprises), fautes de quelques-uns au nom du profit… Peut-on dire que le profit gouverne le monde ? Peut-on dire, simplement, que le monde est gouverné ? Je n’y crois pas. Et je n’ai pas envie d’à mon tour lancer l’anathème sur les banquiers inconscients ou les traders fous. S’ils ont créé les conditions de la crise, c’est parce que notre système le leur permettait. Et ce système, personne ne l’a voulu pervers, tout le monde y a vu le moyen d’avancer dans le sens désiré, tout le monde y a trouvé son intérêt. Quel que soit cet intérêt.
J’aimerais penser que si le sens moral avait été aussi bien partagé que l’appât du gain, nous n’en serions pas là, j’aimerais pouvoir me dire que cela aurait fait une différence, mais voilà : fondamentalement, je n’arrive pas à y croire. Sans doute parce que cette idée de moralité me terrifie presque autant que son absence constatée ou supposée. Sans doute parce qu’elle me paraît être une tentation occidentale, voire franco-française, de caractériser des événements qui nous échappent. Sans doute parce que je trouve tout aussi vain de vouloir afficher une exigence de moralité à la face du monde tel qu’il est, que de croire que l’autorégulation est forcément vertueuse, tous intérêts bien compris de part et d’autre.

Mais il faut bien porter un jugement sur cette crise, n’est-ce-pas ? Il faut bien prendre acte des événements, essayer de les enrayer, et faire en sorte qu’ils ne se reproduisent pas. Alors où porter le fer ? Qu’est-ce qui a mal tourné ? J’ai la faiblesse de croire, que rien n’a vraiment mal tourné, en fait, et que ce qui se passe aujourd’hui à l’échelle mondiale ressemble fort à ce que nous avions tous constaté au niveau de nos petites vies individuelles. Notre société occidentale se dévore de l’intérieur. Disons que le balancier se porte maintenant vers d’autres puissances, installées ou en cours de développement, et voilà que l’affolement nous gagne. Mais s’ils gagnaient des points ? Pire encore, s’ils faisaient comme nous ? Il semble de bon ton de penser que cela n’arrivera pas, parce que, paraît-il, nous avons déjà épuisé la plus grosse partie des ressources naturelles de notre planète, et que donc il faudra trouver autre chose sous peine de mettre en péril notre propre avenir d’humanité. Autre chose, mais comment donc ! Allons-y gaiement, la fleur au fusil ! Vers quoi, au fait ? Ah, oui, vers quoi, en effet. Nul ne le sait. Nul ne peut le savoir. Est-ce à dire qu’il vaut mieux ne rien penser de la crise actuelle, se contenter d’agir là où on peut le faire ? Ce n’est pourtant pas possible. Si les choses sont aussi cataclysmiques que nous le disent tous les gouvernants, d’ici et d’ailleurs, il doit y avoir une conclusion à en tirer. Et j’ai vraiment envie de croire que nous vivons un changement de civilisation majeur, oui, j’ai envie que la catastrophe annoncée soit en quelque sorte « rachetée » par un véritable virage vers autre chose, sans doute ni pire ni meilleur, mais simplement différent. L’homme s’inventant de nouveau, d’une certaine manière. Créant les conditions de sa propre évolution. C’est tout de même exaltant, comme perspective, non ?


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