C’est la morsure du froid qui me réveille. Il a neigé dans la nuit. Le sol est recouvert d’une épaisse couche blanche crevassée par les gouttes qui tombent déjà des branches ramassant le soleil. J’aimerais gémir, mais ma langue est soudée à mon palet. Interdiction de parler, ici c’est la règle. Celui qui parle avant que le maître ne l’accorde se voit précipité dans le vide, du haut du Roc de Gényons. Je n’ai pas le droit qu’on les maîtres, celui de parler quand bon leur semble, de rire quand la vie leur est chaude, de crier quand ils jouissent, de pleurer quand un de leur enfant meurt à la bataille. Je ne suis ici qu’un esclave. Condamnée à dormir tel un chien sur une couche à même le sol, dans une niche creusée dans la montagne. Il me faut me presser, j’ai tant à faire dans la journée pour espérer y survivre… Je m’ébroue, je secoue ma bure noircie de crasse, je masse mes épaules douloureuses du labeur de la veille… Et j’y vais… Ça recommence…
— Eleken,
Et voilà le lundi, il fait froid, j’ai froid