Les personnels de l’audiovisuel public ont déposé un préavis de grève, en protestation contre le projet de suppression de la publicité qui sera effective le 5 janvier prochain, entre 20 heures et 6 heures, puis totalement à partir du 30 novembre 2011 (date du basculement complet de la télévision analogique vers le numérique).
J’aurais quelque difficulté à prétendre vouloir défendre la publicité sur nos écrans, mais je trouve que nos écrans sont de plus en plus plats, et je ne suis pas persuadé que le mouvement entamé vise à leur donner davantage de relief.
Allez, je vais jouer les anciens combattants. Je me souviens du 31 octobre 1961. J’avais… onze ans, et il n’y avait pas la télé à la maison. Ce soir-là, j’avais été invité chez des petites copines, et j’avais passé la soirée béat devant … les Perses. La tragédie d’Eschyle avait été mise en images par Jean Prat, qui essayait de faire revivre l’esprit de la tragédie grecque, les impressionnants cothurnes et les masques qui donnent aux comédiens la possibilité d’approcher les dieux de plus près. C’était également une “première” technique, puisque l’on pouvait écouter le son à la radio, en stéréo. Je ne vous garantis pas que j’avais tout compris, mais j’ai pourtant gardé ces images en mémoire.
J’ai aussi gardé de cette époque la mémoire des Raisins verts du génial Jean-Christophe Averty. En 1963, mes parents avaient enfin succombé à nos suppliques, et nous pouvions nous délecter toutes les deux semaines, devant les trouvailles sans cesse renouvelées de ce prince du montage vidéo. Je conserve également un souvenir ému de DimDamDom , de Daisy de Galard. Un magazine “branché” dirait-on aujourd’hui mais tellement plus décalé et anticonformiste que bon nombre de niaiseries qu’on nous assène.
Et comment ne pas se référer aussi à Oliver Twist, diffusé en mai 1962, réalisé par le prolixe Claude Santelli, avec Marcel Dalio et Jacques Seiler.
Aujourd’hui, tous ces pionniers de la télévision ont disparu. Claude Santelli est décédé le 14 décembre 2001, trois mois après un accident sous le chapiteau du cirque Alexis Gruss, lors d’une des dernières répétitions de La Flûte enchantée : une éléphante l’a pris avec sa trompe et l’a projeté violemment au sol. Jean Prat s’est suicidé en 1991, désespéré de ne plus avoir la possibilité de réaliser les projets télévisuels qu’il avait à coeur.
Je sais, je suis un peu passéiste dans cette affaire. Je trouve pourtant que la multiplication de l’offre ne nous a pas fait gagner en terme de qualité télévisuelle. Nikos Castaldi et Benjamin Aliagas ne peuvent quand même pas prétendre être les héritiers de Prat, Averty, Santelli, de Galard, Glaser, Desgraupes…
Mais je vous l’affirme aujourd’hui : je suis prêt à reconnaître mes erreurs et à rendre hommage au législateur si un seul créateur gagne dans les cinq ans qui viennent la possibilité de s’exprimer sur le service public de l’audiovisuel, grâce à la suppression de la publicité, et aux moyens qu’on lui concèdera …