Bruel et moi, c'est une très longue histoire. Très ancienne aussi. J'ai connu la bruelmania (oui, bon, si vous n'étiez pas nés, ou si vous étiez encore au berceau, prière de vous abstenir de le mentionner, bande de petits jeunes). J'ai fait partie de la bruelmania. Bon, je n'ai jamais hurlé « Patriiiiiiiiiiick » en plein concert, parce que je trouve ça ridicule et déplacé. Mais je hurlais dans mon cœur, comme une midinette que j'étais. Puis j'avais un gros classeur plein de coupures de presse, devant lesquelles je bavais. Même que ma môman s'en souvient, passque j'étais un tantinet hystérique lorsqu'il passait à la TV, mon petit Bruel chéri à longs cheveux d'alors. Je me souviens notamment d'un Télévie en pleine bruelmania, que j'ai regardé, comme un bernard-l'hermite regarde une coquille vide : avec délectation et adoration.
Puis le temps a passé, j'ai grandi, j'ai rangé mes classeurs, je n'ai plus coupé le moindre confetti sur lui, il s'est marié, moi pas, il a eu des nenfants moi pas, il a divorcé moi pas. Je lui ai simplement laissé une petite place dans mon cœur de midinette, entre Christophe Willem et Calogero, entre Lara Fabian et Rose (mon dernier coup de cœur).
C'est un peu par hasard, donc, que je suis allée voir Bruel au Forum de Liège lundi. Par un heureux concours de circonstances. Un concert acoustique, ça me tentait bien. J'ai loupé Lara Fabian en acoustique, et je m'en mords encore les orteils de désespoir. Alors, j'étais heureuse de ne pas louper Bruel en acoustique.
Après une petite virée en voiture au son de Place des Grands Hommes et autres succès de la star, hurlés dans l'habitacle, nous voilà en plein centre de Liège, avec plus d'une heure d'avance. Il est 18h45 et je crois me souvenir, pour avoir été au Forum début de l'année avec Alex (autre blogueuse belge que vous connaissez bien) voir Christophe Willem, que le salon de dégustation de Jean-Philippe Darcis est juste à la sortie de la salle. Je trouve l'entrée, mais où est la sortie ? J'embarque mes comparses (Moustique et Mostèk, pour ne pas les citer) dans une ruelle, on tourne, on tourne et on tourne encore, et paf, la boutique de Darcis. Paf, drame incommensurable : elle est fermée. Est-ce admissible de fermer une boutique si tôt, alors qu'Anaïs se rend à Liège ? Franchement Jean-Philippe, je suis déçue. Vraiment déçue. Pire : j'ai même pas pu baver devant le moindre macaron en vitrine, tout était rangé et le comptoir était désespérément vide. Et moi en larmes.
Compensation immédiate avec un beef tender du Quick (ou tender beef, je ne le retiens pas, au grand dam des caissières qui apparemment ne comprennent pas que beef tender et tender beef, c'est Schtroumpf vert et vert Schtroumpf), des frites, un coke light et quelques phrases à l'accent bien liégeois qui me rendent la banane (sont toutes enrhubées les liégeoises ?).
Ensuite, direction le pigeonnier, pour découvrir nos places. Ce ne put être pire. Enfin, si, puisque derrière nous, trois rangs. Les trois derniers. Faut pas avoir le vertige, je vous le dis. C'est haut de chez haut, et le vide semble vouloir nous happer. La scène ressemble à une maison de Barbie, et Bruel fera sans doute office de Ken.
Il arrive avec une demi-heure de retard, le filou, et le concert commence enfin.
Il est seul.
Je pensais qu'il serait accompagné de quelques musiciens, pour une ambiance discrète.
Mais non, il est seul. (sur la fin, un guitariste le rejoindra).
Et il chante. Toujours aussi bien. Mieux, presque, puisque sa voix n'est pas couverte par des bruits d'instruments tonitruants comme à la grande époque. Il a un peu forci non ? Mais il est bien sûr toujours aussi craquant, souriant, charmant. Et charmeur. L'ambiance est animée, même si feutrée. Ne seraient ces quelques hystériques, sans doute vestiges de la bruelmania, qui profitent des silences pour hurler, que dis-je, pour bêler « Patriiiiiiiiiiiick » ou « Je t'aaaaaaaaaaaaime », ne seraient ces débiles qui mitraillent à qui mieux mieux avec flash, alors que Patrick a demandé l'abstention (heureusement, cela ne durera pas, Patrick y mettra immédiatement bon ordre en exigeant que cela cesse, non mais), ce serait parfait. Ne gâchons pas le plaisir : c'est parfait.
Patrick est loin, on dirait une petite fourmi. Mais le son est bon. Et j'ai mes jumelles. Achetées y'a des années, dont je ne me sépare jamais en concert. Ce soir est un grand soir : je comprends enfin comment les régler. C'est complexe, le réglage de lunette, cela m'aura pris quatre ans. Et je vois enfin Patrick bien net, pas flou ni rien, que du bonheur.
Outre ses classiques, il nous offre quelques chansons moins connues, dont j'ignore les titres. Adorables. J'ai la chair de poule lorsqu'il nous fredonne une composition sur le 11 septembre. Mes poils dansent la java et mes yeux se mouillent lorsqu'il aborde le thème du sida (me demande si le titre n'est pas « Demain »). Trop beau. Trop prenant.
En 1990, c'était la passion, en 2008, c'est l'émotion. Et ça lui a bien.
J'ai des frissons, que j'hésite un instant à attribuer au fait que mon estomac et mes intestins sont en phase préparatoire d'une gastro. Mais j'ai des frissons, et c'est bon.
Après plus de deux heures, le concert se termine, et je fais une chose que je ne faisais plus depuis des années : je m'offre le programme, en souvenir.
Retour, ensuite, à Namur, toute enneigée. Toute blanche. Comme la voiture de Mostek, qui nous attend au bureau. Gelée. Congelée. Des pieds à la tête. Enfin, des pneus à la carrosserie. Sans oublier les portières. Moustique nous a quittées pour rentrer au bercail. Nous voici, à plus de minuit, seules, dans le noir, dans le froid, grelottant, face à un véhicule qui refuse de s'ouvrir.
La situation est grave ! GRAVE.
(la suite demain, teasing teasing, chers lecteurs).
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