- De quel homme tu parles ?
- J’attends l’homme, et tant que je ne l’aurai pas trouvé, je ne partirai pas d’ici ! Fit-elle en se levant et en se campant devant moi. Sa réponse et sa posture n’admettaient aucune réplique.
A vrai dire, je la connaissais mal, c’était une collègue que je croisais de temps à autre dans les couloirs du lycée. Nos relations se limitaient à un bonjour, quelques brèves considérations sur les élèves et un au revoir. J’avais bien entendu quelques rumeurs à son sujet, mais rien de grave.
- Ne me dis pas que tu ne l’attends pas, toi ? Reprit-elle avec détermination.
- Mais pourquoi j’attendrai « l’homme », il existe ?
A ce moment là, elle m’a regardée d’une façon bizarre et j’ai compris qu’elle n’était pas dans son état normal. J’aurais pu la rassurer, lui dire que moi aussi je l’avais longtemps attendu mais que j’avais baissé les bras, ou qu’il fallait être patiente ou que… mais je n’ai jamais su mentir ! La pluie lui avait plaqué ses mèches blondes sur le front et je n’avais même pas eu le réflexe de lui offrir un abri sous mon parapluie. Quand j’ai voulu le faire, elle a refusé tout net.
- Je ne me mets pas sous le même parapluie qu’une femme qui met en doute l’existence de l’Homme !
J’ai essayé de rattraper ma réplique malheureuse, mais je me suis enfoncée misérablement.
- Enfin Myriam, je voulais juste te dire qu’il y avait des hommes et pas l’homme ! L’Homme avec un grand H n’existe pas, tout comme la Femme avec un grand F, d’ailleurs !
A ce moment précis, elle m’a tourné le dos et elle s’est adressée au premier passant venu – un homme grand et mince. Je l’ai entendue demander « Etes-vous l’homme ? » ; je ne sais pas ce qu’il lui a répondu, mais toujours est-il qu’elle a glissé son bras sous le sien et qu’elle est partie sous son parapluie, sans même m’adresser un regard. Je me souviens encore du parapluie de cet homme, il semblait clignoter, parsemé de petites lumières bleues, phosphorescentes... Depuis, je n’ai plus jamais revu Myriam, ni au lycée, ni ailleurs.
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