Magazine Journal intime

Coeur léger, coeur changeant, coeur lourd...

Publié le 27 novembre 2008 par Lephauste

J'avais le coeur vide, le coeur lourd, quelque chose entre le chou et la betterave, quelque chose, par là, où ne vivait que l'incertain, entre deux battements, pas toujours à la seconde près. Des palpitations de papillon empétré de loupiottes. Et quand c'était le temps d'en manger en salade, des plâtrées de betteraves, de la fleur de choux, je m'affolais au dessus de la lunette, j'en pissai du sang, du bon sang de sang ! C'est rien mon grand. Ma mère disait. C'est que le jus de la betterave. J'avais le coeur lourd, étuvé de râles brumeux. Comme quoi on vit un peu avant que de naître, juste ce qu'il faut pour pas se faire canarder aux éliminatoires. Incessantes sessions éliminatoires d'où sortir vainqueur équivalait à numéroter ses abattis et à se garder au frais un peu pour la séance suivante.

Je n'avais rien à l'époque qui puisse ressembler à un souvenir. Les enfants, c'est assez connu, sont comme des îles vièrges qu'il suffit d'urbaniser pour que le quidam puisse en faire le tour sans perdre son temps en vaines flâneries ni en s'agrègeant trop de sable sous les tong's. Assez vite donc je devins le plus urbain des portillons claquant dans la nuit de toutes ses dents. Poli comme un galet regravé d'un filigrane d'ennui, plat comme une pierre à ricochets. Mais au creux de la main un galet fini toujours du creux de son évidente absence par ressembler à une montagne. C'est au zénith de son vol plané qu'il fini par se rendre compte que ce que l'on attend de lui, un record mondial de rebonds à la surface de verre brisé des fleuves domestiques. Je rebondissais, tant bien que mal, embringuant mon coeur, lourd et vide dans des noyades de quelques secondes. Juste assez pour que le vide ressemble à un quelconque trépas et que la pesanteur singe le poids immense de ce qui n'est plus.

Pourtant l'on m'aimait, on aimait en moi l'enfant policé, le petit rejeton de la main gauche, dont la silhouette civile éffaçait le primat de la faute. J'étais né d'un non sans nom et racinait loin, chez des nourrices amples aux hanches et vitales dans leurs façons de me ramener au chemin, d'où personne ne venait me rendre une dernière visite. Il est bien inutile de chercher à ne plus vivre pour dire que du lointain on attend que quelqu'un vienne et stoppe net le train sur les rails desquels on a posé la masse du coeur lourd, le vide et le vertige d'un coeur qui ne bat que pour frapper du poing. Point.

"Coeur léger, coeur changeant, coeur lourd

Le temps de rêver est bien court

Que faut-il faire de mes jours

Que faut-il faire de mes nuits

Je n'avais amour ni demeure

Nulle part où je vive ou meure

Je passais comme la rumeur

Je m'enfuyais comme le bruit ..." (Louis Aragon)


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