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Le dernier voyage ( gballand )

Publié le 30 novembre 2008 par Mbbs

« Je sais exactement où vous êtes, vous ne m’entendrez pas arriver. Vous n’avez pas besoin de vous habiller, restez en pyjama, ce sera parfait. Pour quoi vous habiller alors que vous allez passer de l’autre côté ? Surtout ne me dites rien, je sais que vous avez peur, que vous voudriez peut-être même changer d’avis, mais ce n’est plus possible ! Vous avez apposé sur la feuille votre index trempé dans l’encre de votre sang et vous saviez parfaitement, au moment où cela a été fait, qu’il serait impossible de revenir en arrière. Vous allez mourir dans six heures. Voyez les choses sereinement, ne résistez pas. Plus vous résisterez, plus l’attente vous paraîtra odieuse ; n’en aviez-vous pas assez de cette comédie que vous ne pouviez plus jouer ? Vous êtes tous pareils, tristes vivants ! Vous  prenez des mines effarouchées et vous finissez par avoir peur de ce que vous avez vous même librement choisi. Gardez la tête froide et souvenez-vous que pour vous la vie n’était qu’une suite de drames, une suite d’insatisfactions, une suite de remords ; c’est vous qui me l’avez dit ! Et si l’envie vous prenait à nouveau de faire le bilan, bonheurs d’un côté et malheurs de l’autre, vous verriez que vous avez pris la seule décision possible : mourir. A quoi sert de vous agripper aux parois glissantes de la vie et d’y abîmer vos mains déjà si fatiguées ? A quoi sert de vous inquiéter de ce qui viendra demain puisque demain ne sera pas meilleur qu’aujourd’hui ? A quoi sert de crier votre soif de vivre alors qu’il y a une semaine encore vous méprisiez les petits bonheurs que la vie vous apportait ? A quoi bon vouloir recommencer alors que si vous recommenciez vous feriez exactement les mêmes erreurs ? »

Allongée sur son lit, en pyjama, l’écouteur collé à l’oreille, elle  entendait la voix  murmurer  son discours implacable, elle voulait l’interrompre ou raccrocher, mais elle ne pouvait pas. Etait-ce une vraie voix ou un enregistrement qu’on passait à tous ceux qui, comme elle, étaient dans le sas de la mort ? Elle avait envie de crier : STOP ! JE NE JOUE PLUS ! Mais elle savait qu’il était trop tard…

« Il vous reste exactement 6 heures avant mon arrivée. Je vous conseille de rester allongée ; si vous bougez, vous risquez de mourir avant terme et ne pourrez espérer bénéficier de l’offre promotionnelle qui vous a tant séduite. Ne bougez pas et attendez-moi sagement les 6 heures qui vous restent. Je sais que l’attente est douloureuse mais bientôt le mot « attente » aura perdu pour vous toute signification. »

La voix raccrocha et elle resta étendue, le visage pâle, les yeux fermés, le corps immobile, les mains sur le ventre, elle l’attendait.


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