Comme dans l'Etranger de Camus

Aujourd'hui je suis mort.

Du haut de mon âme, je les observe, tous, agglutinés autour de mon grand corps usé, déformé, inerte. Certains chantent. D’autres dansent. Ils affûtent leur long couteau. Les haches de pierre cognent mes pauvres genoux. Les lames pénètrent sous mes ongles lourds de terre. Des groupes se forment, suant sous les cris des chefs, pour déchirer ma couenne, fendre mes os, recueillir mon sang encore chaud qui bouillonne jusqu’à leurs calebasses. Les échos des bagarres, en guise de partage, rameutent plus de monde, encore. Ils sont là, hautains, jaloux de leur butin. Puis vient le tour des femmes vêtues de peau de loup. Leurs mélopées montent jusqu’aux étoiles. Elles ramassent ma vieille crinière, enroulent le cuir épais de mes flancs, et s’en reviennent chez elle, leur lourd tapis bringuebalant sur les épaules. Quelques enfants criards s’amusent à crever mille fois mes yeux ternes. D’autres jouent à la guerre avec mes tibias, la tête protégée par mon crâne fendu. Je vois déjà ces vautours ridicules, qui tournent autour de moi, cherchant je ne sais quelques restes obscènes. Le soleil s’en mêle, de son souffle brûlant, laissant à la brise du nord le soin de balayer mes dernières poussières, jusqu’à la mer.

Et dire que j’étais si fier ! Si fier d’être le dernier mammouth !

Texte écrit pour Les Imprompus Littéraires :

Après avoir exploré les pseudos, nous restons dans l'identité voilée cette semaine. En effet, nous vous proposons de revisiter "L'étranger" d'Albert Camus.

Ecrivez un texte, en prose ou en vers, démarrant par le célèbre incipit de ce roman : "Aujourd'hui maman est morte"
avec la possibilité de remplacer maman par le personnage de votre choix. (Exemple : "Aujourd'hui le prince Isidore est mort".)