Les semaines et les mois continuèrent ainsi, dans la succession des rires ensoleillés et des journées de pluie, jusqu’au dernier vendredi de juin. Lola, heureuse de cette année de collège qui se terminait enfin, débarrassée de ces livres ennuyeux et de ces cahiers rébarbatifs, se sentait libre, plus légère encore que ces hirondelles insensées qui se jetaient du haut des cieux, comme des bolides, pour rebondir ensuite par-dessus les cimes.
Ayant sautée du car encore en marche, elle courait selon son habitude, et semait derrière les talus là, une gomme, ici, un taille-crayon, plus loin une équerre tordue. Traversant un pont, elle jetait dans la rivière le reste de sa trousse, puis, n’y tenant plus, avisant un large frêne à l’air bonhomme, elle lui lança son sac à dos, qu’il attrapa au vol d’une branche basse et conserva au milieu des nids de tourterelles, amusé de ce trophée peu commun.
Le grand pré était plus loin que celui au pommier, mais ses jambes musclées, sa respiration puissante, sa volonté, sa joie, son esprit léger la portaient telle une plume dans la brise légère de ce premier clin d’œil d’été.
Demain, l’anniversaire de Habélard, qu’il conviendrait de fêter dignement ! Sa tête fourmillait déjà de mille idées, de toutes ces petites attentions qu’elle avait préparer, pour le surprendre, l’étonner. Elle devinait déjà son regard étonné, ses naseaux frémissants de bonheur, sa jeune crinière flottant dans la brise. Ils feraient la course, des heures sous le soleil. Elle lui montrerait comment franchir des obstacles faciles, qu’elle pensait construire au milieu du grand pré, à l’aide de branchages, de vieilles planches et de quelques pierres plates. Elle l’emmènerait même, mais, chut ! Ce serait leur secret, par delà les haies et les clôtures, lui faire découvrir d’autres paysages, l’emmener vers des pâturages plus colorées, lui faire boire une eau plus claire, à même les torrents sauvages qu’elle avait découvert, un jour de footing débridé.
Elle criait dans le vent, les bras comme un avion pour aller plus vite :
Habélard ! Habélard ! Habélard ! Habélard ! Habélard !
Elle ne s’étonna pas longtemps du silence qui répondait à ses appels. Elle avait deviné, avant même d’arriver à la clôture, que le grand pré était vide. Seules les fougères murmuraient, comme pour s’excuser d’être là.
Illustration de Coq (c)