Un jour, d’un coup, l’automne mourut

Publié le 22 novembre 2008 par Unepageparjour

Début de Habélard et Lola

Un jour, d’un coup, l’automne mourut. Le vieux pommier, tout dénudé, avait étalé ses fruits sur le pré, ses derniers trésors multicolores aux parfums sucrés. Les pommes, disposées en pyramide, mûrissaient lentement, sous les premières gelées des nuits. C’était le cidre à venir qui travaillait déjà sous leur peau tannée. Les ciels, chargés d’eau grise, paraissaient au dessus des haies, avant de se mêler aux nuits précoces. Lola, un peu grelottante, marchait vite, pour se réchauffer. Etonnée, elle n’entendait pas les premiers appels d’Habélard, qui d’ordinaire, l’attendait dès qu’elle avait sauté du bus. Plus elle montait dans le petit chemin sombre qui longeait le pré, et plus l’inquiétude la gagnait. Elle aurait du entendre déjà les ébrouements du poulain, le bruit des sabots grattant la clôture, le contour de ses naseaux sortant du crépuscule. Il n’y avait que le silence. L’absence. Le pré était vide, triste. Le pommier noir, voûté sur ses pauvres branches tordues, restait comme un dernier rempart avant l’hiver.

Lola courut à toutes jambes jusqu’à la maison de Monsieur Robert. Elle tambourina des deux mains sur la porte, les fenêtres, les murs, même, dans son impatience folle qu’on lui ouvrît. Elle haletait :

Monsieur Robert ! Monsieur Robert ! On a volé les chevaux !

De ses yeux mal réveillés des suites d’une sieste trop longue, Monsieur Robert la regardait sans comprendre.

Les chevaux ? Ha ! Oui, les chevaux ! Bah ! Ils sont dans l’écurie. Viens ! Je vais te montrer.

Enfilant une vieille parka, il emmena la jeune fille derrière son jardin potager, aidé d’une grosse lampe torche, qui luttait tant bien que mal contre les ombres du crépuscule.

Lola reconnut les appels de son ami, à travers une porte de bois brun, couverte d’écharde. Ils entrèrent. Une ampoule palote se balançait au plafond, au gré des courants d’air, jetant sur les murs des crachats de lumière froide. Aicha et Habélard les regardaient, de leur grands yeux tristes. Le poulain restait couché au sol.

Monsieur Robert s’excusait.

C’est l’hiver. Il vaut mieux qu’ils aient un peu chaud. Allez ! on les mettra dans l’herbe au printemps, pour le sevrage, et ils iront gambader en oubliant cette mauvaise période !

Lola pleurait tout doucement, dans l’encolure du petit cheval.

 

Illustration de Coq (c)