La journée passa, sous le frais ombrage du pommier. Une brise estivale, légère comme un rire, parcourait l’échine d’Aicha et d’Habélard. De temps en temps, le poulain tétait, puis se reposait de nouveau. Lola, assise, aux premières loges de la nature bienveillante, en oublia de déjeuner. Monsieur Robert, confus, lui apporta du fromage frais et de la confiture de figue, le tout arrosé d’un lait de chèvre, juste tiède.
Le soir, la tête encore pleine de rêves, Lola trouva ses parents debout, au milieu de la salle à manger, tristes, gris, sombres, comme s’ils avaient vieillis très vites, soudain.
Nous devons te dire quelque chose, disait sa mère d’un air grave, les mains serrées sur les hanches, une ombre de sourire figée sur les lèvres. Lola s’était arrêtée de mettre la table. Elle restait coite, une assiette en l’air, petite marionnette effrayée. Quel contraste !
La mère poursuivait : comme tu le sais, la boulangerie ne marche pas très bien. Nous avons des soucis avec le matériel.
Oui, comme le dit maman, continuait le père, et nous avions imaginé pouvoir prendre des gérants pour l’été.
Lola les entendait mais ses pensées courraient vers Habélard. Dormait-il à cette heure ? Comment dorment les poulains ? A poings fermés ? A sabots fermés ? Les jeux fermés ? Que de choses qu’elle ne savait pas encore ! Que de choses merveilleuses à découvrir ! Elle reposait l’assiette sur la table.
Nous ne pourrons pas partir en vacances, se désolait la mère.
Non, Lola, tu devras rester à la maison, appuyait le père, contrit et malheureux.
Peut-être pourrions-nous demander à Monsieur Robert de nous prêter sa vieille télé ? Espérait la mère, en se tournant vers le père.
Lola souriait. Elle comprit soudain que ce serait les plus belles vacances de sa courte vie. Elle courut chercher les verres multicolores, et les déposa en dansant devant les assiettes.
Je n’ai pas besoin de télé, s’exclamait elle, joyeuse.
Mais tu vas t’ennuyer, tes amis sont tous partis ! Le père et la mère se regardaient, sans comprendre.
Ce n’est pas grave. Non, pas bien grave. Je me suis fait un nouvel ami aujourd’hui, le plus merveilleux des amis. Il s’appelle Habélard.
Illustration de Coq (c)