C’est agaçant, c’est horripilant, et je ne peux rien y faire. De désarroi, je fixe mon stylo qui ne me dit rien, je ne jette même pas un œil à la page, je fourrage dans ma tête, certains y parviennent fort bien : à la fin, eurêka, ils jubilent. Moi, je bloque. Il faudrait faire le gros dos, ne pas s’en inquiéter, se souvenir qu’on l’aime libre, son imagination, libre et fantasque. La mienne est tout à fait indépendante : en ce moment, elle joue à cache-cache, et j’ai renoncé à lui courir après. Assise sur mon siège, j’attends, l’air de rien, mais je ne la leurre pas, et elle gambade je ne sais où.
Il y a peu, on s’est exclamé : « Mais où trouvez-vous donc toutes ces idées ? ». Là est bien le problème : je ne les trouve pas, c’est exactement l’inverse. Il y a longtemps, je pensais avoir mis le doigt sur la solution : je tendais des pièges musicaux à mon inspiration. Une mélodie, un état émotionnel, et hop ! je l’attrapais au lasso. Des années plus tard, je me suis rendu compte que je n’attrapais rien du tout, rien que la griserie des mots. Or, écrire, ce n’est pas céder à la tentation du joli mot – quand on se « lance » dans l’écriture, le pire est que l’on confond souvent « joli » et « compliqué », et l’on se gargarise d’un flot dont on ne comprend pas, encore, qu’il n’est pas de l’écriture.
Le décor, aujourd’hui, est beaucoup plus aride : je ne me raccroche à rien. C’est ennuyeux à dire, mais c’est ainsi : cela vient, ou cela ne vient pas.
Et d’en conclure que je n’ai pas d’imagination ?
C’est tout à fait, terriblement, vrai. Je n’en ai pas, c’est elle qui est. Et en ce moment, elle est où cela lui chante. J’en cafarderais de dépit si je n’avais un naturel heureux.