Le piston, une affaire de clans

Publié le 05 décembre 2008 par Dalyna

Lorsque l’on se lance dans le journalisme, l’une des premières choses que l’on apprend n’est pas la Charte des journalistes, ni l’apprentissage de l’écriture. Avant toute chose, on apprend que l’on va devoir faire rimer notre passion avec « piston ». Vous me direz, tous les milieux sont concernés… Certes, mais je vous dirais alors que s’ils en sont tous imprégnés, certains secteurs en sont plus qu’imbibés : le cinéma, l’édition, et bien sûr… le journalisme. En ce qui le concerne, il ne fonctionne QUE et strictement QUE, par le piston. La candidature spontanée est une curiosité dans ce microcosme. C’est avant tout une affaire de relations, de familles, d’amis que l’on place ici et là, le talent et l’envie n’étant relégués qu’au second plan. C’est triste, mais ce constat a le mérite de nous donner une explication quant à l’état actuel de la télévision française.

Evidemment, nous ne serons pas tous d’accord avec ces affirmations. Les premiers réticents étant… les pistonnés eux-mêmes. Ben oui, voilà des propos qui sèment le trouble sur leur légitimité. Du coup, même quand ils transpirent le piston de chez piston, genre présentateur TV à 12 ans et demi par exemple, ils persistent à inventer des histoires à dormir debout pour justifier leurs positions privilégiées.

Voix du blond de Gad Elmaleh on ** « Ben quoi, ce n’est pas parce que INTEL est mon frère que je suis là, j’ai passé un concours d’animateurs comme tout le monde, et c’est moi qui l’ai gagné, c’est tout » **Voix du blond de Gad Elmaleh off.

C’est mignon. Ca me rappelle Tori Spelling, la fille d’Aaron, que tout le monde connaît pour ses séries à succès. Quand elle s’est mise à jouer dans Beverly Hills, elle n’a rien trouvé de mieux à dire qu’elle avait passé le casting sous un faux nom, histoire de ne pas bénéficier de la notoriété de son père. Wahou quel talent cette fille… Sur 50 000 nanas, elle est passée devant, rien que par son jeu d’actrice. C’est officiel, Meryl Streep et Penelope Cruz ont du souci à se faire…

Je n’ai rien contre les personnes pistonnées. Moi-même, j’y ai déjà eu recours quelques fois. Et puis, ce n’est pas parce qu’on est pistonné qu’on est forcément incompétent. Mais ce que je dénonce ici, c’est surtout la généralisation du procédé, qui devient alors un système injuste et ressemblant étroitement aux privilèges de l’Ancien Régime. Quand un rédacteur en chef vous regarde entre 4 yeux et vous dit franco : « Tu sais, on peut avoir tout le talent du monde, mais si on ne rencontre pas le bon piston, cela ne marchera jamais », cela me dégoûte quelque part. C’est injuste. Et cette façon de le dire, de façon définitive et avec détachement, c’est presque cynique. Il affirmait cela comme une triste vérité que mes oreilles naïves de stagiaires se devaient d’entendre. Mais le fait de le cautionner ainsi, c’est aussi une façon de ne rien changer à l’ordre établi. Remarquez, il était du bon côté de la barrière. Lui-même avouait non sans fierté la liste de ses parrains, amis, famille du showbiz, qui l’ont amené là où il est aujourd’hui. Pourquoi diable changerait-il le système ? Je sais, je suis restée naïve.

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Annexe :

Extrait d’interview de Samuel Etienne, journaliste, sur letudiant.fr

Comment percer dans le milieu de la télé et du journalisme ? Faut-il être « pistonné » ? (Laurine, yahoo.fr)
Je ne crois absolument pas au piston. (Ah Bon, t’es sûr ? Pas beau de cracher dans la soupe) Il y a désormais un tel niveau d’exigence dans les rédactions que si vous arrivez à un poste sans avoir les compétences requises, vous êtes très vite écarté. (Ca va, exigence, exigence… Faut relativiser hein, recopiage de dépêches, invention de témoins, pas de prises de positions… ça aussi, je l’ai vu). Un journaliste se doit d’être rapide, efficace. (Qui a dit qu’un pistonné était mou et incompétent ?) S’il ne l’est pas il doit laisser sa place à meilleur que lui. (Difficile, ça risque de fâcher papa, ça). J’ai croisé quelques « pistonnés » au cours de ma petite carrière. Je n’en ai jamais vu un réussir. (C’est bizarre, moi, je n’ai vu que ça).

Cela dit, pour être tout à fait honnête, un bon piston peut aider à décrocher un stage, guère plus. (Un stage au minimum, oui… Sans piston, j’ai eu le stage que je voulais. Mais pour le job, c’est une autre affaire…). Mais harceler un DRH ou un directeur de la rédaction de courriers et de coups de téléphone, ça fonctionne aussi… (Oui, c’est pour ça que tu es arrivé là Etienne, t’as harcelé les rédacs plus que nous… Merci du tuyau !)