Noël Dejonghe nous a quittés il y a tout juste un an.
Sa disparition a été douloureusement ressentie par toute la population de notre commune. Depuis 1989, Noël Dejonghe avait puissamment contribué à la rénovation, à l’embellissement de Templemars. Mais surtout, il avait installé une grande qualité de relations, au sein du mouvement associatif, parmi les personnes âgées, au sein de l’école maternelle et de l’école primaire, avec toutes les communes voisines.
C’est pour moi une responsabilité particulièrement lourde que de vous parler de quelqu’un qui est beaucoup plus que mon prédécesseur.
Il y a un an, nous perdions celui qui avait guidé trois équipes municipales depuis bientôt vingt ans, mais nous perdions surtout notre ami, au sens très fort de ce terme.
Nombreux sont ceux qui avaient l’habitude de franchir la porte du bureau de Noël pour partager avec lui leurs craintes, leurs espoirs, leurs soucis, leurs projets. Et tous nous savons la disponibilité dont il faisait preuve pour écouter vraiment ce que nous avions à dire, quelquefois pour nous aider à mieux exprimer ce que nous sentions, parfois même pour nous remonter le moral.
Notre commune a beaucoup changé depuis vingt ans, et nous avons été les premiers surpris des bouleversements que Noël a impulsés. Je crois qu’à cet égard, il est toujours utile de se reporter à ce qu’était notre village en 1989, et le comparer à ce qu’il est aujourd’hui.
Nous avons été élus en mars dernier pour continuer le travail que Noël a dû interrompre beaucoup plus tôt qu’il ne le souhaitait.
Moi-même et les vingt-deux membres de l’équipe municipale, nous sommes les héritiers politiques de Noël. Nous voulons continuer la tâche qu’il a entreprise, et garder dans notre commune les liens si précieux qu’il avait réussi à créer entre nous. Nous avons appris avec lui à écouter.
Une ville, c’est une communauté vivante, qui n’exprime pas forcément clairement ses besoins. Avec Noël, nous avons compris que nous ne pouvions pas nous contenter de ce que les électeurs nous disent une fois tous les six ans. Nous devons déployer toutes sortes d’antennes pour capter les besoins réels de tous, et pas seulement de ceux qui parlent plus fort.
Il y a un an, Noël nous laissait avec la difficile gageure de lui trouver un successeur. J’ai été désigné pour cela. J’ai mesuré immédiatement combien la tâche était ambitieuse. Il n’y a pas de jour où je ne me pose pas la question de savoir si je mérite d’assumer cet héritage. Mais très régulièrement, j’essaie d’imaginer ce que me dirait Noël s’il était là. Et à chaque fois, je le vois me dire : « Fais les choses comme tu les sens, sois toi-même ». Avec ça, je suis bien avancé… Alors, j’essaie d’avoir la même écoute avec tous, avec mes camarades de l’équipe municipale, mais aussi avec le personnel communal, avec les acteurs de la vie associative, avec tous ceux qui viennent me voir ou que je rencontre, un peu partout.
Je voudrais vous parler d’une dimension de Noël que peut-être nous nous ne mesurons pas bien à Templemars. C’est celle qu’il a laissée à l’extérieur de notre commune. Depuis mars dernier, je rencontre très fréquemment d’autres maires, d’autres responsables de la vie publique. A chaque fois que je leur explique à qui je succède, je vois leur visage s’éclairer. Ils sont très nombreux à m’avoir exprimé longuement l’admiration qu’ils avaient pour lui.
Comme militant socialiste, Noël s’est beaucoup occupé des élus minoritaires dans les communes. Aujourd’hui, beaucoup de ces responsables locaux ont franchi le pas et sont devenus maires. Tous, ils savent ce qu’il lui doivent, il les a aidés à franchir les obstacles, à garder confiance, à se préparer.
Noël avait accepté de prendre des responsabilités dans des organismes au sein desquels il a accompli un immense travail. Au titre de ses responsabilités au conseil général du Nord, il a pris la présidence du Service départemental d’incendie et de secours, au moment de la départementalisation. Il s’est trouvé en première ligne pour assumer les difficultés que posaient les changements de statuts pour les pompiers. Il a également endossé d’importantes responsabilités à la tête de l’association nationale des présidents de Sdis. Il avait ensuite pris la tête de l’Etablissement public départemental de soins, d’adaptation et d’éducation, l’EPDSAE, au service de la santé et des droits des enfants menacés. Et puis j’ai découvert aussi le travail qu’il avait abattu comme vice-président du centre de gestion de la fonction publique territoriale, où l’on conserve une mémoire particulièrement émue de la disponibilité de Noël.
Récemment, au congrès des maires de France, j’ai longuement parlé avec Jean-Pierre Decool, maire de Brouckerque, conseiller général, député apparenté UMP. Jean-Pierre Decool et Noël se sont beaucoup dépensés pour faire vivre l’association des maires du Nord, un lieu indispensable de concertation et de discussion pour tous les maires, quelle que soit leur couleur politique. Vous avez sans doute apprécié l’efficacité de cette association après la tornade qui a dévasté le Val de Sambre, le 3 août dernier, et plus récemment à propos du service minimum en cas de grève dans les écoles. Jean-Pierre Decool m’a expliqué comment ils avaient tous deux dû remonter cette association qui avait failli disparaître sous les coups de boutoir de l’esprit partisan, et lui redonner le sérieux et la convivialité qui y règnent aujourd’hui. Il continue à apprécier l’esprit d’ouverture de Noël, et la qualité des discussions que tous deux ont pu avoir, alors que sur le plan politique ils faisaient des choix diamétralement opposés. Patrick Masclet, l’actuel président de l’association des maires du Nord, maire d’Arleux, conserve lui aussi un souvenir très vif des relations qu’il a pu avoir avec Noël. On m’a par ailleurs demandé de faire partie du conseil d’administration de l’Agence technique départementale, qui fournit des conseils juridiques aux mairies, où j’ai pris la suite de Noël, qui était membre du bureau de cette association.
Plus près de nous, nous ne nous en rendons plus trop compte, mais la qualité des relations que nous avons avec les communes qui nous entourent, et l’efficacité des structures intercommunales que nous avons mis sur pied doit beaucoup au labeur inlassable de Noël. Au Sivom dit de l’aéroport, au CIPD, au Sivu pour l’insertion sociale et professionnelle, à Eollis, à l’Espace naturel métropolitain, à la communauté urbaine de Lille, chacun mesure la part que Noël a prise pour que ces structures prennent leur place dans la constitution de notre « vivre ensemble ». Aujourd’hui, nos relations intercommunales continuent de s’amplifier. Nous sommes un exemple pour les autres territoires de la métropole lilloise, et Noël y est pour beaucoup. Un exemple du type de relations que nous entretenons avec nos villes voisines : Alain Pluss, le nouveau maire de Wattignies, m’expliquait encore ces derniers jours que pour lui, Noël et Michèle, c’étaient toujours des « potes ».
Aujourd’hui, j’essaie de marcher dans les pas de Noël. Je dois dire que je prends énormément de plaisir à animer une équipe, à lancer des projets et à les concrétiser avec mes collègues, et avec les équipes communales, mais aussi à rencontrer les gens, à m’intéresser aux petits et aux grands.
J’essaie d’appliquer ce que je crois être les principes auxquels Noël était attaché : l’humilité en premier lieu. Etre élu, ce n’est pas un statut, c’est une responsabilité, dont il faut se montrer digne. Noël refusait d’être un notable. L’addition des responsabilités ne lui avait pas fait oublier le sens de son engagement initial.
L’ouverture ensuite, nous sommes les élus de tous, et pas seulement de ceux qui ont voté pour nous. Nous devons prêter la même écoute à toutes les opinions, à tous ceux qui ensemble constituent le tissu de notre commune. Noël aimait la confrontation des idées, qui permet de mieux assumer les siennes.
La justice aussi, parce que le monde qui nous entoure n’est pas juste. Nous devons utiliser la crédibilité que la population nous accorde pour corriger les injustices à chaque fois que cela nous est possible. Noël avait le sens de l’égalité chevillé au corps.
Et enfin l’optimisme. Beaucoup de ceux qui m’ont parlé de Noël m’ont vanté sa bonne humeur infinie, son sourire, sa patience, sa détermination à résoudre les pires difficultés et à se montrer disponible, quelles que soient les épreuves que lui-même pouvait traverser.
Ma tâche n’est certes pas facile, je dois prendre avec mes collègues élus la suite d’un géant. Je m’y essaie, jour après jour. Je dois dire d’ailleurs que j’y ai pris goût, même si cela bouleverse beaucoup ma vie professionnelle et ma vie personnelle. Mais je suis aussi quotidiennement surpris de découvrir la qualité de ce que Noël nous a légués. La machine municipale fonctionne bien, j’en suis un peu plus convaincu à chaque fois que j’en parle avec des collègues des communes voisines. Notre fidélité à Noël nous intime le devoir de continuer à améliorer le cadre de vie de nos concitoyens, à viser l’excellence.
Nous voulons perpétuer son travail, sa passion, son esprit de sacrifice au service du bien public, sa rigueur, son désintéressement. Depuis un an, nous nous sommes régulièrement posés la question de la meilleure place que nous pourrions donner à Noël pour que son souvenir demeure dans les générations futures. Ce n’est plus vraiment un scoop, nous souhaitons que le futur centre culturel que nous voulons créer autour de l’actuelle salle Desbonnet, de la future médiathèque et de la nouvelle salle associative porte le nom de Noël Dejonghe. Mais ce qui nous paraît essentiel, c’est que nous soyons capables de poursuivre le travail engagé par mon prédécesseur, et surtout l’esprit dans lequel il nous a appris à travailler les uns avec les autres.