Il y a des films qui nous enchantent
Photo - © 2008 Alliance Films Inc.
Vincent-Guillaume Otis (Babine) et Luc Picard (Toussaint Brodeur)
À l'écran - Télé et cinéma, dimanche, 30 novembre 2008, p. 43
Babine
Irrésistible!
Christiane Laforge
Irrésistible Babine! Ce conte filmé de Fred Pellerin, réalisé par Luc Picard est un cadeau. On en porte le souvenir comme un bijou au cœur. Un charme magique qui nous rassure, convaincu désormais de ne jamais succomber au désabusement parce que le ciel de Pellerin est envahi par les lucioles.
Que l'on connaisse les personnages de Fred Pellerin par ses livres ou ses spectacles ou non, importe peu. Dès la première image, en plongée sur la vallée profonde où se niche le petit village de Saint-Élie-de-Caxton, le spectateur est séduit.
Il suffit de s'abandonner, guidé par la voix du narrateur (Fred Pellerin) qui va décrire les tourments, les chagrins, les joies de Babine, le fils de la sorcière, et des gens de son village au temps où on "fabriquait de la démesure sur le grandiose de notre quotidien".
On y raconte ce pays du barbier de sévices, de la belle Laurette, prix Nobel de l'amour" effeuillant sans fin la marguerite, de la fumeuse de bonne aventure, des mains de fer en quête de velours. On y décrit les déboires du Forgeron amoureux de la Veuve St-Barnabé, maîtresse du Vieux curé, de Madame Gélinas enceinte depuis vingt ans, du Curé Nouveau qui pratique l'art "de punir le coupable et culpabiliser les autres". Bref! comme le dit si bien le conteur, il s'agit "d'un rêveur du minuscule qui récolte l'incroyable".
Une équipe
Photo - © 2008 Alliance Films Inc.
La distribution : Vincent Guillaume Otis, Luc Picard, Alexis Martin, Isabel Richer,Marie Brassard, Julien Poulin, Marie-Chantal Perron, Antoine Bertrand, René Richard Cyr, Maude Laurendeau, Gildor Roy
Le film est le résultat d'un véritable travail d'équipe. À l'imagination débridée du conteur, plusieurs ont ajouté leur science. Joanne Arseneau apprenant à Fred Pellerin les contraintes d'un scénario, Luc Picard brossant la part d'humanité des personnages que le conteur percevait comme une bande dessinée. "Luc a étoffé les personnages et l'univers visuel du scénario: il les a rendus plus réalistes pour l'écran." Savoir garder la folie de l'un tout en préservant le réalisme de l'autre.
Savoir aussi capter en chaque comédien l'étincelle propice à la magie essentielle à une telle histoire. La distribution est un coup de maître. Chaque rôle est superbement campé. À croire qu'il n'y a que des premiers rôles.
Vincent-Guillaume Otis crée un Babine d'une naïveté touchante. L'innocence dans sa beauté. La gentillesse enrobée de courage et de générosité. L'expression de son visage, le langage du corps, la maîtrise des gestes, tout est réussi dans ce jeu qui nous révèle un grand comédien.
Luc Picard (Toussaint Brodeur) a la flamme qui convient à cet original tout en tendresse et passion, Isabel Richer (La sorcière) a la beauté et la prestance... De quoi damner un saint et exaspérer le Curé Neuf (Alexis Martin) détestable à souhait comme il se doit dans un conte bien fait. René Richard Cyr peut se laisser aller à toutes les fantaisies dans le rôle du décoiffant Méo Bellemare.
Le langage
Le mieux sera de les découvrir dans ce film dont le visuel n'a rien laissé au hasard. En recomposant le village de Saint-Élie-de-Caxton, Nicolas Lepage, concepteur visuel et Jérôme Sabourin, directeur de la photographie, sont parvenus à ancrer les lieux dans un mélange de réalité fantastique.
Un budget de 6,3 millions$, 200 plans d'effets visuels. C'est déjà un exploit. Et pourtant, s'il y a tant de magie dans ce film, s'il nous reste collé à la mémoire, c'est par une singulière et magnifique symbiose entre Fred Pellerin et ses interprètes. Les tournures de phrases, les expressions, la poésie et les prouesses verbales qui font la popularité du jeune auteur nous sont rendues avec un naturel désarmant dans la bouche des comédiens. Un beau film! Un grand film!
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