Magazine Journal intime

la loose suite

Publié le 07 décembre 2008 par Sadako
Voici donc le premier billet, sur l'avarice:


Inès ne sait rien faire dans la demi-mesure. La constance est un concept qui l'ennui et la dépasse complètement. Avec tout et plus particulièrement avec l'argent.


Elle sait bien qu'il y a un paradoxe entre acheter une plante exotique à 75€ les boutures, (directement importée de Thaïlande dans le seul et unique but de décorer son hall d'entrée tout en sachant pertinemment que la plante ne durera pas plus de deux jours sans voir la lumière du soleil), et récupérer consciencieusement après chaque journée de travail du sucre en morceau posé dans une jolie corbeille en osier à côté de la machine à café pour son thé du matin plutôt que d'en acheter comme les gens "normaux" au supermarché du coin.


Elle préfère se dire que les autres voient les choses différemment. Tout est une question de logique et la sienne est simple: la plante n'était pas en libre service alors que le sucre oui.

Néanmoins, Inès sait que sa proportion exagérée à ne pas se servir de sa carte bleue quand elle peut faire autrement peut paraître bizarre. Surtout quand elle a elle-même insistée lourdement pour que ses amis viennent dîner à la maison le soir même mais qu'elle n'a pas la moindre intention de faire les courses pour eux.


En fait elle a une idée derrière la tête. Depuis qu'Ikea vend ses bougies par lot de 100 et que son supermarché a fait une promotion immense sur les boites de conserve elle a du stock à écouler.


Ce soir elle fera un dîner sur le thème de l'Inde, du végétarisme et de l'immense importance de revenir aux aliments les plus simples. Elle leur présentera des épinards, des lentilles, des pommes de terre et du riz, le tout saupoudré de curry et servi dans des plats noirs très design histoire de montrer qu'elle s'est donnée du mal et du thé Earl Grey classique dans lequel elle rajoutera un clou de girofle pour le faire passer pour autre chose. A la place du traditionnel Nan, elle prendra des tranches de pain de mie périmé depuis hier, qu'elle étalera au rouleau et coupera en rond pour les passer au four avec de l'ail. Le tout dans l'ambiance tamisée des bougies et de l'encens bon marché, acheté depuis longtemps sur un coup de tête et qui prenait la poussière.


Avec un peu de chance, les invités apporteront de quoi boire (vraiment) et la soirée se prolongera dans une fabuleuse conversation très évasive sur les valeurs de l'hindouisme, vite apprises sur Wikipedia et vite recrachées.


Elle sera la seule à savourer l'incroyable mise en scène de ce repas, imaginé à l'origine pour quatre boites de conserve en trop et de repenser à cette phrase de marcel Ayme qui l'a bien fait rire le jour où elle l'a lue: "de tous les péchés, l'avarice est le plus  avantageux"


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