Aujourd’hui, les enfants, ça déconne pas, ici ! On fait carrément dans le journalisme d’investigation ! Bernard de la Villardière peut aller se rhabiller… ah, on me signale que Bernard de la Villardière a arrêté de présenter Zone Interdite il y a bien deux siècles. Bon, bah Mélissa Theuriau peut aller se rhabiller, alors.
Nan?
Bref, aujourd’hui, c’était expérience de l’extrême, infiltré en douce dans un lieu normalement fermé à la perception masculine. Car oui, lectorat totalement bouleversé par cette révélation à la limite du chamboulement identitaire (et de la morale pieuse) : aujourd’hui, pour toi, j’ai expérimenté le plaisir masochiste au féminin. Autrement appelé l’épilation chez l’esthéticienne.
Bon, rassure-toi (car je sens bien que tu t’inquiètes) (tu t’emballes un peu trop facilement, tu sais) (tu me rappelles ma mère parfois) (pense un peu à ton cœur, bordel) : non, je n’ai pas perdu un pari ; non, je n’exprime pas mon désir d’être femme à travers un acte transgressif ; non, je n’ai pas fait le maillot. Priorité à l’information, ok, mais bon, faut pas exagérer non plus, je suis pas en école de journalisme, moi.
Donc non, pas de dévoilement de mon anatomie ici aujourd’hui (tu rêves), et toujours pas de défilé en string avec gros plan sur la zone épilée façon clip de Eric Prydz. Histoire de partager le sort de nos amies les femmes (si, si, les femmes sont nos amies), je me suis limité à une zone épilable pour un homme sans trop se compromettre, mais douloureusement élaguée par ces dames depuis des décennies : ce furent donc les aisselles.
C’est comme ça que, mu à la fois par le bouche-à-oreille ultra positif emmené par ma co-loque et par mon dévouement envers l’information, je me retrouvai ce midi avec un rendez-vous aisselle chez Jacqueline, la magicienne des étudiantes parisiennes qui lisent Cosmo au dernier rang de leur amphi de marketing Moltonel. Je me suis donc présenté, timidement, après être entré en douce dans la petite boutique comme un quinquagénaire dans un sex-shop. "Bonjour, vous êtes Jacqueline ?", j’y demande. "Ah non, moi c'est Christine", qu’elle me répond. Il faut que ma co-loque arrête de boire, ça fait deux semaines qu’elle me briefe sur un faux prénom. Bonjour le niveau de neurones grillés, moi je dis.
Ce qui est sympa chez Jocelyne, c’est qu’elle a des bonbons dans sa salle d’attente. Une gamine du quartier avait l’air de connaître le bon plan, puisqu’elle s’est pointée juste avant que je n’entre en cabine pour en chourraver deux trois. Juste à l’instant où je me retrouve torse poil sur la table de torture, elle s’en va avec sa poignée de bonbecs et, en passant le seuil de la boutique, hurle "AU REVOIR MONSIEEEEEEUUUUR !!". Sale gnafronne, merci pour la discrétion, hein ! Après ça, les vieilles du quartier ont dû zieuter la porte pendant vingt minutes pour guetter ma sortie. Pffff, toute cette discrétion pour rien.
Bon, pas grave, de toute façon y’avait personne avec nous. Rien que Micheline et moi.
Alors Micheline, comment dire, elle est très rigolote (Violette dirait relou, probablement, mais moi j’ai bien aimé). Après m’avoir fait une petite mise en pli du poil aissellien (oui, je sais très bien que cet adjectif n’existe pas), elle n’a eu de cesse de me rassurer. "Non mais vraiment, faut me dire dès qu’il y a un problème, hein. Je dis toujours, la première fois c’est important que ce soit une expérience positive, hein." Bah ouais, Brigitte, à qui le dis-tu ! Mais bon, j’étais pas nerveux du tout, pour tout dire : je venais pour me faire arracher la racine des poils, encore heureux que je m’attendais pas à une sensation de massage au monoï !
Elle a donc étalé de la cire chaude, couleur chair, sur mon délicat épiderme velu. C’était super rigolo, on aurait dit le liquide bizarre que Joey tripatouille chez l’esthéticienne dans Friends (saison 9, pour rappel). Bon, après, elle a tout arraché et c’était moins drôle. Mais en fait la douleur est hyper brève. Ce qui est un peu plus difficile, c’est les finitions (comme pour un tatouage) : la peau est toute rougie, toute sensibilisée, on a pas trop envie d’y remettre de la cire chaude en fait. Ni d’y jouer de la pince à épiler. Mais il le faut. Alors je l’ai laissée terminer, au point où j’en étais. Elle m’a fait saigner comme il faut, je comprends un peu mieux les femmes, désormais. Ou alors j’ai fait un pas de plus vers la misogynie.
Bon, le bilan des courses c’est que, en toute objectivité, jamais de ma laïfe tu me fais me faire à moi-même, dans ma salle de bain avec des bandes de cire, ce que Jasmine m’a fait aux aisselles : il faut suffisamment de recul pour faire ça, pour l’angle d’attaque et pour supporter ta douleur. Le mieux est donc de le faire faire par quelqu’un à qui tes aisselles n’appartiennent pas, en fin de compte. Quant au professionnalisme, outre le fait que j’ai eu l’impression de parler de cul par métaphores foireuses pendant quinze minutes, bah j’ai trouvé que Jaquemine ne faisait pas vraiment mal, compte-tenu de ce qu’elle fait subir à ses clientes (et donc clients) sur sa table médicale. Elle est cool, prévenante et plutôt pro, en fait. Même si je manque de points de comparaison et que le fait que je sois un garçon a dû modifier les données du problème.
Donc au final banco, je recommande Méline ! Et je recommande l’épilation réussie ! Par contre, je recommande un peu moins de mener la vie d’une fille, là tout de suite…