Dans les blogs que je lis le plus souvent, l'art de la bande dessinée est rarement abordé. Peut-être est-il arrivé une fois qu' Ecritures du monde évoque Rodolphe Toepffer, Chantal Serrière confirmera, mais cela demeure une exception, parfois je pense que la solution d'une de ses énigmes du samedi pourrait bien être Tintin, Spirou ou quelqu'autre héros ayant fait les délices de mon enfance et... qui continue parfois à les faire aujourd'hui, mais ce n'est pas le cas. Dans un livre concis et illustré avec pertinence, le scénariste de bandes dessinées Benoît Peeters , qui se réclame justement de Toepffer, écrit ceci :
Sommes-nous sûrs, un siècle et demi plus tard, d'avoir tiré toutes les conséquences de cette étrange invention ? [...] Au vu des lamentations qui refleurissent périodiquement, il est possible d'en douter. Protestant au nom d'une certaine idée de la Culture, contre une supposée sous-littérature, un Finkielkraut [ encore lui... ], un Bernard-Henri Lévy, voire un Milan Kundera ne révèlent peut-être rien d'autre que leur propre état d' aniconètes (ainsi pourrait-on nommer ces analphabètes de l'image).
Or, il m'apparaît difficile de douter que la BD soit une forme d'art spécifique, qui ne tient ni de la peinture, ni du cinéma bien qu'elle puisse avoir certains traits communs avec eux.
La meilleure preuve est que l'on peut disserter longtemps sur des découpages, des cadrages, des jeux d'images (comme autant de jeux de styles) qui s'offrent à nos yeux, avec la même intensité et le même assaut de références savantes qu'on peut le faire par exemple à propos des techniques cinématographiques et des choix opérés par tel ou tel réalisateur.
Ce qui fait sans doute une spécificité de la BD, c'est la nécessaire discontinuité du récit. Contrairement au cinéma qui déroule un fil continu (à nos yeux en tout cas si ce n'est dans la réalité du 24 images par seconde), la BD offre une mise en images limitées en nombre par la page ou la taille de l'album, le résultat est ce que Peeters appelle " les plaisirs de l'entre-deux " :
La véritable magie de la bande dessinée, c'est entre les images qu'elle opère, dans la tension qui les relie. Minimiser ce travail de distribution dans l'espace et le temps serait, pour la bande dessinée, abdiquer de sa plus radicale innovation pour s'aligner sur un autre art.
De là découle qu'il puisse y avoir des effets de transgression extraordinaires, comme quand un personnage ou un objet sort de sa case, ou bien qu'un même paysage se déroule en continu entre plusieurs images accolées alors que l'action est vue selon les différents temps qui la scandent. Ici, le prototype est dans " Tintin au Tibet ".
Donc pour finir l'année, j'offre quelques reproductions de pages de quelques-unes des BD qui m'ont le plus " transporté " dans les récentes parutions.
Voici d'abord un rappel de mes billets de l'été à propos de la société ladakhie dans "Les chevaux du vent", de Fournier et Lax ( ed. Aire Libre ) où l'on peut voir que la vie n'est pas si idyllique dans une société polyandrique, car la jalousie existe quand même (que de choses dites en sept images !) ...
À propos de alainlecomte
<h3>Vous en une ligne</h3><p> Universitaire vivant à Grenoble mais travaillant à Paris, je m'intéresse particulièrement au langage et à son fonctionnement. Je m'intéresse également aux questions philosophiques, à l'art et à la littérature. J'aime le voyage, la montagne, l'Inde, le Jura suisse, Kenzaburo Ôé, Robert Walser, les vaches, particulièrement celles de la race d'Hérens, Filippo Lippi, Peter Handke, Marguerite Duras, Pippiloti Rist, mes collègues de l'Université Paris 8, les vallées du Ladakh, les glaces Gonzales qui sont en vente rue Servan à Grenoble etc. etc..</p>
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