Démarque

Fait un temps à pas mettre un môme dehors. Sans ses papiers, sans sa cagoule (Tu me feras le plaisir de bien accrocher ta cagoule au porte-manteaux!), sans son masque à gaz, sans son briquet pour les poubelles de la démocratie, pour les abris de bus qui ne sont même pas propres à accueillir les carcasses défoncées des clochards euthanasiés par les marchands de vins et spiritueux, pour les vitrines où le cynisme des bonnes affaires fait penser que la "crise" est un état permanent du capitalisme proxénète (c'est tout ce que tu rapportes salope ? voilà comment on nous parle !), pour les bagnoles flambant neuves et dont il faudra bien un jour prochain se débarasser, commençons donc maintenant, sans tout l'attirail qui fait qu'aujourd'hui les salles de cours des lycées et collèges étaient chauffées pour rien ni pour personne, ni pour personne.

Fait un temps à rester à l'abri de son téléviseur, dans l'angle mort du canapé, à bouffer des saletés en lorgnant du côté de la rue. La rue dont chacun sait que c'est le plus bel endroit de la terre quand elle dégueule de cavalcades désordonnées, pour un oui, pour un non. C'est bien de cela qu'il s'agit, n'est-ce pas ? Courir, gueuler, bras dessus bras dessous, scander des chants d'amour face aux rangs de flics dont parmi eux certains doivent se demander ce qui ferait plaisir au petit dernier, à celui qui demain se retrouvera face à papa, un manche de pioche à la main, pour la plus grande gloire de la désobéissance, de la fronde de l'homme pris jusqu'au coude dans les rouages de la machine dont il rêvait ... Car c'est bien de cela dont nous parlons, de la désobéissance sans laquelle l'homme n'est plus que la démarque autorisée, au moment des soldes.

Je les ai vu aujourd'hui ces gosses dont le pouvoir n'a que faire qu'à les utiliser pour l'entraînement des forces de l'ordre. Je les ai vu gueuler contre un ministre, une réforme de l'enseignement, se heurter au mur des boucliers, essuyer ce qu'en d'autres temps on aurait appeler "chasse à l'homme" et puis se faire traiter par les mass-médias de casseurs, d'incontrôlés (le beau compliment !). Enfants, dans ce pays et dans d'autres aussi, vous pouvez à l'égal de vos ainés assassiner en silence tout ce que la mécanique recrache de déchets humains mais touchez à une voiture et vous verrez ce que la morale née de l'abus du pouvoir entends par respect. Enfants ce système n'a rien à vous proposer, à quoi bon vous délivrer un enseignement de qualité puisque, vous le devinez, derrière la façade des diplômes il n'y a rien qu'un champ de ruines et des paillettes visqueuses pour ceux et celles que tente le monde merveilleux du spectacle. vous aurez beau faire, tant qu'après une de ces manifs, comme celles d'aujourd'hui, ceux qui détiennent le pouvoir retrouvent leurs draps de soie et les palais que nous leur offrons d'occuper sans que jamais ils ne nous rendent des comptes sur les décisions meutrières qu'ils prennent en notre nom, vous aurez beau rêver, fumer en douce, boire de mauvais alcools et vous regardez en chiens amoureux lors de soirées débiles, tout sera à refaire et vos enfants eux même, énervés de ce que vous n'avez réussis qu'à entrer dans la police, avec votre bac plus 4, vous cracheront à la gueule des slogans dont pourtant vous étiez certains de les avoir balancés à la face du monde, quand le monde se vengeait sur vous de n'être plus jamais jeune. Plus jamais.

La révolte est belle mais puérile, seule la révolution est adulte au sens que l'homme et sa conscience ne font qu'un et des millions. Et j'aimerai bien que l'on m'explique comment il se fait que ces millions acceptent que la parole leur soit confisquée. Une conscience sans prise de parole, non ça n'existe pas !

En fait ces mômes je les déteste souverainement. Pourquoi ? Parce que eux aussi vont échouer dans la cheminée et qu'ils me rappellent que ma voix, portant haut dans les rues un verbe incontrôlable, n'a jamais sauvé un seul innocent du laminoir, ni une fourmi de la noyade orchestrée par des jardiniers qui croient que récolter c'est posséder.

"Le pouvoir est maudit, c'est pour cette raison que je suis anarchiste." (Louise Michel)

"L'anarchie est la plus haute expression de l'ordre." (Elysée Reclus)

"Miette a t'aussi dans le sourire ce petit quelque chose qui me fait me souvenir que moi aussi j'ai su sourire." (Noirte, chevalier)