Avant de nous dire adieu

Publié le 19 décembre 2008 par Anaïs Valente

Quand j'ai créé ce blog, je me suis juré de tenter par tous les moyens de ne pas tomber dans le larmoyant.  Personnellement, sans pour autant reconnaître qu'ils peuvent plaire à autrui, je ne suis pas attirée par les blogs pleins de tristesse, de lamentation et de malheurs.  Pleins de « je suis seule au monde », « personne ne m'aime », « je veux de l'amour », « j'en peux plus de cette vie de merde ».

Pourtant, je le pense souvent, que je suis seule au monde, que personne ne m'aime, que je veux de l'amour et que j'en peux plus de cette vie de merde.  Comme tout le monde, j'imagine.  Un peu plus que certains, un peu moins que d'autres.

Et quand, à l'occasion, je vous fais partager ce ressenti, je tente que ce ne soit pas trop lourd.  J'ai bien dit je tente, pas toujours facile. 

Alors, l'heure est venue pour moi d'être lourde.  Et de vous conter un moment extrêmement triste de mon existence.

Triste.

Larmoyant.

Et le mot est faible.

Préparez vos mouchoirs. Isolez-vous des moqueurs qui n'aiment pas les pleureurs, car ça va pleurer dans les chaumières.

Vous le savez (et je n'ai pas l'intention de vous bassiner avec ça jour après jour après jour après jour, mais bon, tout de même, c'est pas rien) Moustique a été pulvérisée par un jet de Baygon rouge (cette expression ne vient pas de moi mais de Moustique herself, et dieu sait que je suis jalouse de cette trouvaille que j'aurais dû trouver avant elle, tchu).

En une semaine, emballé c'est pesé, la miss nous quitte définitivement.  Autant ne pas faire durer le supplice, c'est clair.

Lundi, on apprend la nouvelle.  Pleurs et sanglots longs.

Mardi, on encaisse la nouvelle.  Stupéfaction et larme à l'œil.

Mercredi, on réalise vraiment.  Petits sanglots étouffés.

Jeudi, c'est bientôt la fin.  Gros sanglots, gros hug-câlin-pleure pas-ça va taller, gros désespoir.

Vendredi, c'est la fin.

Moi, une dernière journée de taf, je l'imagine pleine de rires, histoire de profiter un max des derniers moments ensemble.  Je l'imagine pleine de vie, d'action, de bonheur, de souvenirs, de derniers bons moments, d'un bon repas et tout et tout.  Oui, bon, ça ma petite Anaïs, c'est de la théorie.  Passqu'en pratique, c'est le tirage de gueule assuré, une dernière journée.  On se tire une gueule d'enfer Moustique, Mostek et moi, passqu'en fait, on n'ose pas parler.  On n'ose pas moufter.  Pas un son ne sort.  Oserais-je dire qu'on entendrait un moustique voler ?  Oui j'ose, après tout hein, si je peux faire rire dans les chaumières avec mes blagues à la con, tant qu'à faire.  Donc c'est le silence absolu, passqu'on sait qu'au premier mot, les digues vont lâcher, l'écluse va se fissurer, et on va braaaaaaailler.  Paraît qu'on est hypersensibles.  Qu'on dit.  Oui mais c'est quoi l'hypersensibilité ?  On la calcule sur base de quels critères, une fois ?  Et d'abord, je préfère être hyper qu'hyposensible, mot qui n'existe pas en plus, ce qui prouve que la norme, c'est l'hypersensibilité.  CQFD.

Les heures passent.  Midi approche.  A midi, c'est fini (et ça rime).  C'est la cata.  Je me concentre sur ma boîte mail.  Je fixe le même mail durant une demi-heure.  Le même.  Je le connais par cœur ce mail.  A force de le lire, de le relire, pour me concentrer tant que je peux sur les mots qui le composent.  Mais ça marche pas.  Je sens mes yeux qui pleurent.  C'est pas moi, c'est eux.  Ils sont hypersensibles, si c'est pas malheureux.

En face de moi, Mostek se concentre sur je ne sais quoi, peut-être un mail qu'elle lit et relit encore.  Ses yeux lui font la même blague que la mienne.  C'est que c'est contagieux, cette maladie là, en plus.

En face de moi, mais l'autre face, Moustique range son barda (oui, c'est pas passqu'elle s'en va que je dois mâcher mes mots, elle a du barda, moins que moi, mais barda quand-même).  Ses yeux sont malades aussi, mais, contrairement à Mostek et moi, Moustique a un avantage certain : elle peut chialer tant qu'elle veut, elle récupère, instantanément, son doux visage angélique de peau de pêche, dès la dernière goutte versée.  Pas de nez gonflé.  Pas de joues rouges.  Pas de paupière lourde.  Pas de lèvres siliconées.  Rien.  Nada.  C'est thonteux et je le lui dis.

J'ai parlé.  Elle me répond.  On le savait : ne pas parler.  Ne pas parler.  Ne pas parler. Parler = chialer.

Grosse pause larmes.  Mostek est rouge.  Bibi est rouge.  Moustique et peau de pêche lisse (la garce).

Entre les pauses larmes, nous cessons de pleurer.  A moins que nous ne cession de ne  pas pleurer entre les pauses sans larmes.  C'est complexe.

Et quand l'heure du départ fut proche : - Ah ! dit le renard... je pleurerai.  Oups, non, c'est pas ça.  Quand l'heure du départ est proche, Mostek et Moustique se font un énooooorme hug, en braillant à qui mieux mieux, pendant que je braillais toute seule, les regardant.  Après quelques secondes d'observation de ce hug entrecoupé de sanglots, je ne sais pas pourquoi, j'ai commencé à rire, mais rire, de nous voir dans un tel état, rouges (sauf Moustique, vous connaissez la chanson) dans une scène d'adieux déchirants que même la télé réalité n'oserait pas offrir en pâture au public.  Je riais, je riais, et ce fut contagieux.  Nous voilà donc, toutes trois, en train de rire et de pleurer.  A mourir de rire, je vous le dis.  Donc on a ri.  Et pleuré.  Et ri.  Ça restera mon souvenir à moi rien qu'à moi, cette envie irrépressible de rire.  Passque rire, on l'a fait vraiment très très souvent, durant quatre ans.  Pleurer aussi, mais moins souvent - hé, on n'est pas des hypersensibles hein, non mais.

Puis on est parties, Moustique et Moi, laissant Mostek à ses mouchoirs, lui interdisant cependant d'en faire une corde pour se pendre (des mouchoirs mouillés par les larmes, ça soutient pas bien un corps humain, je pense). 

Moustique a quitté définitivement les lieux et m'a emmenée dans sa voiture, pour me déposer devant chez moi, histoire que ma tête de chou rouge ne soit pas exhibée à la vue de tous (les enfants sont fragiles de nos jours, fallait pas risquer de les traumatiser).  Durant le trajet, on a encore beaucoup beaucoup pleuré.  Et beaucoup beaucoup ri.  Deux folles qui pleurent dans une voiture, c'est à mourir de rire.  Même que les passantes qui passaient nous regardaient bizarrement.  Ça nous a bien fait rire d'ailleurs.  Et pleurer, après.  Passque si on n'a plus le droit de pleurer en paix dans une voiture, oùsqu'on va, ma bonne Dame.

Puis on s'est dit au revoir à bientôt merci c'était chouette toutes ces années on se perd pas de vue on s'appelle on se maile on se fessebouc on se sms.  Enfin on a tenté de se le dire, vu qu'on pleurait encore et encore.  Purée, c'est clair, doit y avoir un problème d'hypersensibilité là-dessous, tout bien réfléchi, je vous le dis.

Chuis rentrée chez moi et j'ai hésité entre m'affaler sur canapé devant série télé triste qui fait pleurer pleurer pleurer ou m'occuper les mains avec autre chose que des mouchoirs et l'esprit avec autre chose que mes pensées tristes : ranger, vaisseller et nettoyer.

J'ai opté pour la seconde solution.  Ben croyez-le ou pas : ranger, vaisseller et nettoyer EN PLEURANT, c'est possible.  Difficile, vu qu'on voit rien, mais possible.  Je me suis mis le best of de Pagny en fond sonore.  Ben le best of de Pagny, je me trompe ou il est triste à mourir ?  Con te partiro, c'est triste.  Et maintenant que vais-je faire, c'est triste.  Puis j'ai envoyé un petit mail à Mostek, restée seule au front, et j'ai lu sa réponse.  Triste.  Puis j'ai remarqué qu'un magnet s'était fait la malle de mon frigo pour atterrir sur le sol.  Un magnet avec une phrase de circonstance, sur l'amitié et patati et patata.  Keske c'était triste de voir ce magnet.  Tellement triste que j'ai pleuré.  Là, vous jouez les étonnés : « comment, Anaïs qui pleure, comment se puis-ce (c'est pas français mais c'est mignon)? »  Et j'étais tellement triste que ça m'a fait mourir de rire, de me voir si triste.  Donc j'ai ri.  Encore.  Toute seule. 

Je vais pas tout vous raconter, passqu'une Anaïs qui pleure, heure après heure après heure après heure, c'est todi l'même, comme on dit ici (même si j'imaginais pas qu'une petit corps gracile comme le mien - si, chuis gracile, qu'on ne me contrarie pas en ces moments difficiles - puisse émettre tant de larmes, et même si j'imaginais pas que des paupières puissent être gercées comme un nez enrhubé).  Et j'en suis déjà à trois pages word de pleurnicheries ça suffit.  Il faut conclure.

Donc je vais conclure, il est temps.

En guise de conclusion, pas de blabla larmoyant « on s'aimeuh on sera toujours amies pour la vie ».  Je l'ai déjà sorti l'autre jour, donc je vais pas en remettre une couche.  Il fallait juste que je raconte cette dernière journée, passque voilà.  Et pis j'ai pas à me justifier, c'est mon blog. 

J'ai qu'un truc à dire, en guise de conclusion (bis).  Moustique, tu es définitivement et irrémédiablement ma pétasse préférée (comprendront les habitués du blog - pour les autres, relisez-le dans son intégralité, ça vous fera de l'exercice).

Au fait, c'est bien beau tout ça, mais ce vendredi sera aussi le jour oùsque j'ai passé le cap du million.  Zaviez pas remarqué ?  Zavez des larmes dans les yeux ou quoi, bande d'hypersensibles va.