Magazine Nouvelles

Reading Rando (1)

Publié le 22 décembre 2008 par Jlk

Rando3.jpg

Par les hauteurs avec Philippe Sollers et Charles Dantzig
Rousseau disait quelque part que « seul celui qui marche est apte au réel », et cela vaut même en montagne et même avec des raquettes et deux livres dans son sac en peau de chamois, sur la neige encore bien portante de la matinée.
Or donc je suis reparti, pour une première mise en jambes que je m’étais promis d’assortir de deux arrêts, selon le principe de la Reading Rando que j’inaugure par la même occasion en me rappelant mon vieil ami Etiemble qui me lança un soir de franglomanie: toi qui es un fou de lecture et de balades par les hauts, tu devrais un jour lancer la Reading Rando. Dont acte…
Il faisait ce matin un temps à lire le nouveau Sollers, intitulé Les Voyageurs du temps et dont les cinquante premières pages s’inscrivent dans le droit fil d'Une vie divine, avec un narrateur qui ne se distingue de l’auteur que par un faufil de fiction (et encore) pour se concentrer sur des variations littéraires et philosophiques dans une langue fluide et rythmée à la fois. Le zeste de fiction nous transporte initialement dans un stand de tir parisien, tout près de son bureau de la NRF, où son chemin croise une agréable Viva, garde du corps aux divers sens du terme.
J’avais fait un quart d’heure de raquettes, depuis le Parking des Lynx, lorsque je me suis trouvé face à une pancarte ordonnant, en cas d’avalanche,de prendre le chemin du bas. L’état des pentes me sentant plus mollissant que menaçant, j’ai pris le chemin des hauts jusqu’à un promontoire où j’ai reprise ma lecture.

Rando1.jpg
Dans les cent premières pages des Voyageurs du temps, Sollers parle de son corps, comme d’une espèce de double n’en faisant parfois qu’à sa tête (tête de nœud), puis il consacre de belles pages à l’antagonisme de la Bête (on dira pour faire court : le génie) et du Parasite, avant de bifurquer vers les irréguliers, de Kafka et Nietzsche à Rimbaud et Lautréamont via T.E. Lawrence. Dans la foulée, le roman s’est déjà transformé en soliloque tissé de phrases fringantes, mais c’est le moment de reprendre la rando.
Rando2.jpg
L’air est cristallin comme une page du grand Paon, l’azur cingle et le lac là-bas, immense fleuve immobile dans sa gaze de soie bleutée, a l'air de penser comme le dieu danse (mauvaise influence de Zarathoustra...) et comme Dantzig fait ses listes en dents de scie.
J’ai naguère accablé les lecteurs de ce blog de citations des milles pages du Dictionnaire égoïste de la littérature française, paru en 2006. Je vais remettre ça avec les 700 pages de l’  Encyclopédie capricieuse du tout et du rien, somme de listes dont la première (liste des cadeaux à réclamer au père Noël) devrait inclure le titre de ce livre-mulet enfilant perles sur trouvailles, avec des hauts et des bas certes, mais c'est le propre du livre où grappiller une foison d’observations-sensations-émotions que le lecteur prolonge avec les siennes propres.
Listes des lieux, des villes, des « caressants ailleurs », Listes du beau & du chic ou du corps & du sexe, Listes des femmes comme on en voudrait dans sa famille ou des chansons de variétés tragiques, et cent et mille autres qui font de ce seul livre une Reading Rando. J'y reviendrai plus ouvent qu'à mon tour...
Philipe Sollers, Les voyageurs du temps. Gallimard, 243p.
Charles Dantzig. Encyclopédie capricieuse du tout et du rien. Grasset, 790p.
Les deux ouvrages seront en librairie en janvier 2009.


Retour à La Une de Logo Paperblog

Magazines