Demie finale

Publié le 18 décembre 2008 par Unepageparjour

Début de Habélard et Lola

Lola courut sa demie finale le mercredi soir. L’air ambré se détachait par morceau vers le fond de l’arène. Les premières ombres caressaient l’herbe rase, avant d’être chassées par les projecteurs. La foule scandait son nom. Elle en avait pris la douce habitude. L’atmosphère humide du crépuscule, poisseuse, collait à ses cheveux. Mais la course serait facile. Les africaines s’affrontaient dans l’autre demi-finale. Cependant, un certain agacement l’avait prise, quand elle avait su qu’on lui avait donné le huitième couloir pour le départ.

Le départ fut rapide. La lièvre russe ne lâchait rien. Ses couettes blondes sautaient devant Lola, pareil à deux jeunes lapins de garenne, qui se seraient égarés sur la pelouse de ce stade immense. Une musique de foire transperça l’air. Les hauts parleurs éructaient le podium de la perche masculine, sous des tonnerres d’applaudissement dédiés au vainqueur, français. Lola sentit un certain abandon, cent mètres avant l’arrivée. Le public s’intéressait à quelqu’un d’autres ! Elle laissait filer les deux anglaises, qui avaient pris la place de la russe. Troisième, cela lui suffisait, pour accéder à la finale. Vingt mètres, encore. Elle aperçut trop tard la chinoise au visage de porcelaine, qui la doublait sur la droite. L’accélération de la dernière foulée ne servit à rien. Le stade s’était tu, soudain. Un silence lourd tombait sur les gradins. Tête basse, Lola quittait la piste, fuyant le regard noir d’Agathe-Aglaé, plein de colère, qui l’attendait sous le tableau moqueur des résultats. D’un geste plein de rage, elle écarta les journalistes qui lui tendaient des micros inquisiteurs.

Tu n’es pas allée au bout de ton effort, Lola ! Lui reprochait Agathe-Aglaé.

Alors, il fallait attendre l’arrivée de l’autre course, puisque il restait deux places pour la finale, attribuées selon les temps. La lutte entre les kenyanes et les éthiopiennes était intense, si intense que l’une d’elles chuta lourdement sur la piste, ralentissant l’ensemble des concurrentes. Lola était qualifiée. Mais Agathe-Aglaé la sermonnait encore, tard dans la nuit, dans leur chambre d’hôtel, devant un thé glacé.

Non, je suis désolée de te le dire, mais tu ne mérites pas ta finale ! Non, tu ne la mérites pas !

Illustration de Coq (c)