J’ai dû manquer un grand moment de réalité en ne regardant pas “L’île de la tentation”, un événement télévisuel en plusieurs épisodes qui a dû se dérouler pendant l’été, sur TF1. Aujourd’hui, les protagonistes - participants et producteur - se déchirent par journaux interposés et c’est délicieux.
Il faut savoir, au préalable, que les participants à ladite émission ont porté plainte, estimant qu’ils s’étaient livrés à un véritable travail de comédiens et que, par conséquent, ils devaient être considérés comme tels. Les juges, en appel, leur ont donné raison. Outré, le producteur, Philippe Tesson, s’est vu contraint de se tirer une balle dans le pied en qualifiant lui-même les prestations de ses ouailles de “pantalonnades infantiles auxquelles ces jeunes gens avaient pour mission de se livrer”. Ambiance…
Pour tenter de convaincre les juges de la cour de Cassation, il a ensuite affirmé que les braves gens, sous-entendu les téléspectateurs amateurs desdites pantalonnades, à savoir les “caissières de supermarché”, “les éboueurs” et “les esclaves du marteau-piqueur” ne pourraient certainement pas tolérer qu’on verse un salaire mirobolant à des “fainéants occupés à s’observer le nombril sur une île paradisiaque”, cette expression étant des jeunes gens eux-mêmes.
Ceux-ci ne sont pas des idiots et ils ne veulent pas non plus qu’on les prenne pour des idiots. Pour nous en convaincre, ils révèlent dans le journal Le Monde les dessous de leur séjour sur “l’île de la tentation”… Je cite :
“Nous avons dû respecter à la lettre les consignes de la société de production, à savoir nous lever et nous coucher aux heures dites, nous soumettre à un programme d’activités ne nous laissant ni liberté, ni fantaisie, porter des vêtements que nous n’avions pas choisis, faire les gestes qu’on nous avait commandés, exprimer nos pseudo-émotions devant la caméra au moment où cela nous était imposé, répéter de nombreuses fois les scènes dictées par la production, ne communiquer avec aucune personne extérieure à ce pseudo-camp de vacances sans y avoir été autorisé.”
Téléphones portables et passeports confisqués, il leur était par ailleurs interdit de sortir du site de tournage. Sympathique, non ?
Ils ont donc demandé à être considérés comme des artistes-interprètes et ils ont raison.
Ce que j’apprécie au plus haut point, dans cette affaire, c’est l’opinion de monsieur Philippe Tesson sur l’audience à laquelle il s’adresse. J’aime aussi la façon dont il juge les caissières de supermarché, les éboueurs “et autres esclaves du marteau-piqueur”. Comme le disent fort justement les participants de “L’île de la tentation” dans leur papier du Monde, il ne se demande pas “ce que ces mêmes braves gens pourraient penser des déjeuners de travail où le sauternes ruisselle dans des verres en cristal”
J’ai de plus en plus de mal à supporter l’arrogance.