"Je ne serai pas le ministre de l’hésitation nationale", n’avait pas
fini de dire M.Darcos .
Il n’avait pas menti. Aucune hésitation en effet…
Là ou tous ses prédécesseurs avaient opposé un minimum de résistance avant de
remettre leur réforme dans leur culotte, lui n’a pas hésité un seul instant à
s’assoir sur la sienne après 15 jours d’exposition.
Il faut dire que l’argumentaire de ses
jeunes détracteurs avait de quoi faire vaciller sur son socle la plus aguerrie
des statures politique :
"Nous, j’veux dire, c’qu’on veut c’est pas qu’y l’a reporte la réforme,
j’veux dire ! C’qu’on veut c’est qu’y l’a supprime, pis c’est tout…
Pass’que nous on veut bien d’une réforme, j’veux dire, mais avec plus de
moyens, et pis qu’y z’arretent avec les suppressions de postes. Nous, c’qu’on
veut c’est faire montrer à sarkozy qu’on est là et qu’on laissera pas détruire
l’école que nos p’tits frères y z’iront plus tard, j’veux dire.
On s’en fout, t’façon, en janvier on va remett’ ça, au cas ou qu’y z’auraient
pas compris."
Voilà, en forçant tout juste le trait, la teneur de ce que nous avons pu
entendre ces dernières semaines des quelques bébés syndicalistes (et futures
recrues du PS ou du PC) battant le pavé en baskets.
Il aura donc suffit de quelques gesticulations urbaines pour faire plier ce
gouvernement de plus en plus crispé et sur la défensive, paniqué à l’idée d’un
affrontement avec sa jeunesse au beau milieu de ce bordel économique.
Quelle aubaine !
Les syndicats d’enseignants n’en demandaient pas tant. Parfaitement huilé, le
système qui consiste à se mettre légèrement en retrait, tout en "sous-traitant"
leurs actions de blocage aux élèves et à leurs parents, s’est montré encore
d’une redoutable efficacité.
Les jeunes.
Cette population sacrée, brandie comme le baromètre de notre société, et dont
chaque soubresaut est affiché par l’opposition comme l’avertissement suprême.
J’entends par là cette exécrable manie de présenter le moindre éternuement de
nos gamins comme le signe avant-coureur d’un chaos social imminent, que seul un
pouvoir de droite, donc libéral, donc rigide, et donc forcément bien incapable
de comprendre leur saine colère, peut engendrer…
La révolte des jeunes !
L’ultime symptôme avant l’implosion globale, l’Armageddon social, le
typhon insurrectionnel !
Et d’agiter le syndrome grec comme l’ont fait quelques abrutis socialistes dont
on peut aisément calculer le volume du trou noir qui leur sert de
cerveau.
Tellement facile.
Surtout quand veut générer de la psychose à moindre coût et inciter quelques
excités un peu plus excités que les autres à franchir le pas de
l’embrasement.
Malheureusement, et comme l’explique bien mieux que moi Nicolas,
Sarkozy et son ministre sont tombés encore une fois dans ce
panneau de 12 m2 aussi prévisible que grossier.
Rangée la réforme…
Retour au tiroir, avec les autres, y compris celles à moitié vides de quelques
socialistes pourtant obéissants, mais qui ont néanmoins été priés de les ranger
dans leurs fondements, leur contenu ayant fait tousser quelques syndicalistes
pointilleux.
"Meu non, meu non…", nous répond Darcos.
"Nous reculons pour mieux sauter en remettant tout à plat…"
Et d’ajouter: "mais il faudra veiller à ne plus avoir de blocage de lycée
en 2009".
On croit rêver.
A part un lapin de 3 semaines ou un candidat de la Star’ac, qui peut croire une
seule minute qu’après avoir baissé son froc aussi lamentablement devant une
ribambelle de lycéens turbulents, M. Darcos serait
soudainement en odeur de sainteté auprès de sa colonie d’insurgés ?
Etre naïf au point de penser que sa déballonnade va être interprétée par ses
contradicteurs comme une main tendue, dépasse l’entendement.
Il est évident qu’elle est dors et déjà vécue comme une victoire par des
syndicats plus que jamais cramponnés à leurs leviers, et sonne comme une
confirmation de plus de leur aptitude à rejeter d’un revers de main n’importe
quelle forme d’élan réformiste.
D’autant que tout le PS, en rang d’oignon et le doigt sur la
couture du pantalon, n’a pas trainé à se ranger derrière ceux qui constituent
depuis longtemps sa base avancée de la contestation, son réservoir de militants
et un vivier électoral indéfectible.
D’ailleurs certains députés socialistes ont prévu de se joindre aux journées au
grand air organisées par les antis Darcos.
De quoi leur redonner des couleurs après les concerts de beuglements
hystériques auxquelles ils se sont livrés ces derniers jours dans l’hémicycle.
Et revenir en séance revigorés, et de nouveau prêts grossir les sacs
d’amendements, qu’à défaut de propositions intelligentes, ils s’escriment à
empiler texte après texte, loi après loi.
Mais au-delà de ça, le plus détestable dans cette réforme avortée, est à mettre
au crédit de la désinformation et du mensonge organisé.
Faut-il en être parvenu à un tel désert d’idée pour utiliser de tels
subterfuges pour s’opposer ?
On s’était déjà farci les matraquages fantaisistes sur le paquet fiscal et les
interprétations détournées sur l’âge de la retraite ou le travail dominical, il
eut été curieux que pour cette énième tentative de réforme de l’éducation
nationale, cette recette bien populiste ne soit pas resservie à cette France
crédule dont les consciences seraient manipulées par un pouvoir aliénant
!
On a tout entendu…
On a parlé de déclin, de régression… On a évoqué la mort de l’école…Le Vietnam
!
Et pourquoi pas le déluge, the big one, l’holocauste !
Eternelle et inusable litanie dont on nous berce depuis des lustres et que les
mêmes minorités agissantes nous régurgitent inlassablement en nous faisant
croire qu’elle est l’expression d’une immense majorité d’enseignants, de
lycéens et de parents d’élèves.
Foutaises…
Des cartons remplis de plans, de programmes, de projets de gauche comme de
droite, ambitieux ou timorés. Des ministres à la pelle, des décennies de
gouvernements…
Rien qui ne convienne jamais !
Les réformes de l’éducation nationale ne sont rien d’autre que des champs de
bataille ou les vainqueurs sont toujours les mêmes : corporatisme et
idéologie.
Si réforme il y a, c’est dans la méthode d’action qu’on la trouve.
Les leaders syndicaux ont parfaitement compris que faire défiler des milliers
d'adhérents et déposer des préavis de grève en cascade avait atteint des
limites en terme d’efficacité.
Il fallait innover.
Donner du volume aux organisations lycéennes (et s’il le faut, collégiennes),
en leur apportant leur logistique et en soutenant sans limites leurs
revendications, voilà qui est bien plus rationnel.
Revendications qu’ils se défendront de leur avoir insufflées bien sûr…
Et n'allez surtout pas leur parler de manipulation, de bourrage de crâne, voire
de propagande. On vous demanderait d'en apporter la preuve.
Non, tout juste est-il rappelé à ces lycéens, avec un savant dosage de
pédagogie, que le destin de leur école est entre leurs mains et au bout de
leurs banderoles. Rien que ça...
Le même principe est appliqué aussi aux associations de parents d’élèves qui
n’en finissent plus de se politiser, et qui voient dans cette cause l'occasion
de s'exprimer politiquement et d'entrer en résistance idéologique.
Des syndicats de profs qui portent à bout de bras des syndicats d'étudiants qui
ont le soutient des fédérations de parents qui défendent les syndicats de
profs.
Et la boucle est bouclée.
Fort de ça, quel membre de ce gouvernement, quel député aura des roustons assez
volumineux pour dénoncer ouvertement cette instrumentalisation grosse comme une
armoire normande ?
Aucun.
Car choisir entre se faire allumer pour avoir soufflé connement sur les braises
du conflit d’un côté, et se faire conspuer pour avoir diffamé outrageusement
l’action syndicale de l’autre, on connait moins risqué comme posture.
Celle, par exemple, qui consiste à se la fermer et continuer de subir des
dictats dont, après tout, des générations de parlementaires se sont finalement
accommodés…
Et quand Benoit Hamon, au milieu d’autres stupidités, laisse
planer la menace d’une dérive à la grecque, alors que les rues françaises sont
noires de gamins manifestants, il ne fait que donner des mots à un chantage que
les SNUIPP, FSU et autres
UNSA se gardent bien de nommer, mais qu’ils ont méthodiquement
organisé.
Car au sommet de cet édifice pernicieux, leurs instigateurs laissent suspendue
comme un avertissement teinté de cynisme cette deuxième question:
Quel
gouvernement prendrait aujourd’hui le risque d’un affrontement direct avec des
lycéens imprévisibles ?
Messieurs Sarkozy et Darcos viennent de nous
donner la plus misérable des réponses.
Faire sous soi devient une constante chez les ministres de l’éducation
nationale.
A défaut de réforme, c'est de couches-culottes dont ce ministère à
besoin...