Euloge et l'estropié
Antoine dit à Euloge d’une voix grave et austère : « Le rejettes-tu ? Mais
Celui qui l’a créé ne le rejette pas. Le rejettes-tu, toi ? Dieu en suscitera
un meilleur que toi qui le recueillera. » Alors Euloge se tint coi, saisi de
crainte. Lorsqu’il en eut fini avec Euloge, Antoine se mit à cingler de la
langue l’estropié et à lui crier : « Estropié, mutilé, indigne de la terre et
du ciel, ne finiras-tu pas de lutter contre Dieu ? Ne sais-tu pas que le Christ
est celui qui te sert ? Comment oses-tu articuler de telles paroles contre le
Christ ? Euloge ne s’est-il pas, à cause du Christ, rendu esclave pour ton
service ? » Et, après l’avoir aussi réprimandé, Antoine le laissa pour
converser avec tous les autres sur ce qui avait trait à leur besoin. Puis il
revint à Euloge et à l’estropié pour leur dire : « Ne traînez nulle part,
partez. Ne vous séparez pas l’un de l’autre, sauf dans la cellule où vous
séjournez. Dieu envoie Son ange vers vous. Cette tentation vous est survenue,
parce que tous deux vous vous dirigez vers votre fin et que vous allez être
jugés dignes de couronnes. Ne faites donc pas autre chose, de peur que l’Ange
ne vous trouve pas chez vous. » Alors ils retournèrent dans leur cellule au
plus vite et, au bout de quarante jours, Euloge mourut, suivi, trois jours
après par l’estropié.
évêque Pallade :
vies
d'ascètes et de Pères du désert