Histoire Lausiaque : extrait XLVIII

Publié le 25 décembre 2008 par Moinillon
Euloge et l'estropié
L’estropié, ayant tenu bon pendant quinze ans, était bien traité, lavé, soigné des mains d'Euloge et nourri d’une manière convenable à sa maladie. Mais après ces quinze ans, le démon s’appesantit sur lui, et il se révolta contre Euloge. Il commença à débarbouiller son homme avec un tas de mauvais propos et d’injures, en disant : « Assassin, déserteur, tu as volé le bien des autres, et c’est en te servant de moi que tu veux être sauvé. Jette-moi sur la place publique, je veux de la viande. » Euloge lui apporta de la viande. Alors l’estropié cria à nouveau : « Je ne suis pas satisfait, je veux des foules, c’est la place publique que je veux. Ô violence ! Jette-moi où tu m’as trouvé. » Le démon le rendit si sauvage que s’il avait eu des mains, peut-être se serait-il étranglé. Euloge alla trouver ceux de ses voisins qui étaient ascètes et il leur dit : « Que faire, puisque cet estropié m’a réduit au désespoir ? Le rejeter ? Je me suis engagé devant Dieu, et je crains. Mais comment ne pas le rejeter ? Il rend mauvais pour moi les jours et les nuits. Que faire alors pour lui, je ne sais pas. » Les anciens lui dirent : « Comme Antoine le Grand vit encore, monte vers lui. Mets l’estropié dans une barque et transporte-le au monastère. Attends qu’Antoine revienne de sa grotte, et laisse-le décider. S’il te dit quelque chose, agis d’après son arrêt, car Dieu te parle par lui. »
évêque Pallade : vies d'ascètes et de Pères du désert