L’estropié, ayant tenu bon pendant quinze ans, était bien traité, lavé, soigné des mains d'Euloge et nourri d’une manière convenable à sa maladie. Mais après ces quinze ans, le démon s’appesantit sur lui, et il se révolta contre Euloge. Il commença à débarbouiller son homme avec un tas de mauvais propos et d’injures, en disant : « Assassin, déserteur, tu as volé le bien des autres, et c’est en te servant de moi que tu veux être sauvé. Jette-moi sur la place publique, je veux de la viande. » Euloge lui apporta de la viande. Alors l’estropié cria à nouveau : « Je ne suis pas satisfait, je veux des foules, c’est la place publique que je veux. Ô violence ! Jette-moi où tu m’as trouvé. » Le démon le rendit si sauvage que s’il avait eu des mains, peut-être se serait-il étranglé. Euloge alla trouver ceux de ses voisins qui étaient ascètes et il leur dit : « Que faire, puisque cet estropié m’a réduit au désespoir ? Le rejeter ? Je me suis engagé devant Dieu, et je crains. Mais comment ne pas le rejeter ? Il rend mauvais pour moi les jours et les nuits. Que faire alors pour lui, je ne sais pas. » Les anciens lui dirent : « Comme Antoine le Grand vit encore, monte vers lui. Mets l’estropié dans une barque et transporte-le au monastère. Attends qu’Antoine revienne de sa grotte, et laisse-le décider. S’il te dit quelque chose, agis d’après son arrêt, car Dieu te parle par lui. »
évêque Pallade : vies d'ascètes et de Pères du désert