Cela faisait longtemps que je n’avais plus eu cette occasion. Celle de faire vivre un feu de cheminée. Comme un enfant, il faut le caresser, le chatoyer pour qu’il vive et grandisse. D’abord les sarments de vignes, un peu de papier et de cagette. La flamme au début craintive, ose s’attaquer au bois offert à son repas. Elle s’égaille, combuste et se multiplie. Une fumée virevolte par dessus le tas de bois et va explorer le ciel. Et puis c’est l’embrassement, d’une flamme naît le feu. Soudainement, j’en perds le contrôle, ce feu ne m’est pas soumis comme l’était la flamme. Lui est un être vivant, comme un enfant de quatre ans, il court, il rit, il mange, il bois. Ce feu, je l’entretiens, je le nourris. Il grandit. Ses bras enflammés s’élèvent de plus en plus haut dans l’âtre. C’est un adolescent fougueux, il danse. Il consume aussi très vite le bois que je lui donne. C’est un vorace… Le voilà déjà adulte. Plus calme, plus posé. Il rougeoie. Il danse moins allègrement, se repose de braise. Il consume le bois avec plus de modération. Et puis il noircit. Les flammes disparaissent, ne restent que les braises… Enfin, je suis à nouveau maître du feu, je peux, je sais, je suis celui qui peut lui rendre la vie ou le tuer. J’y lance à nouveau une brindille. L’enfant cri. Je lui donne du petit bois, il étire les bras. Je lui donne une buche et l’oiseau de feu renait et s’envole à nouveau.
— Eleken,
de retour de la montagne (comme que c’est paumé là-bas)
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