Le lendemain, ?? l?????chauffement, sous le soleil rieur de l?????t??, tout ??tait oubli??.
La finale ??tait programm??e le dimanche, ?? seize heures. Lola commen??ait dans le couloir trois. A sa gauche, deux kenyanes, ?? sa droite, les deux anglaises, la chinoise, puis deux ??thiopiennes. Cette fois, les gradins chantaient son nom en farandole. Quatre vingt milles poitrines criaient ?? Lola ! Lola ! ??. Dans sa concentration, la toute jeune femme visualisait les naseaux de Hab??lard, qui la chatouillait sous la tente rose-bonbon. Elle distinguait aussi avec une nettet?? surprenante la longue colonne de fourmis grises, qui d??ambulaient sur les piquets, inqui??tes de ce long intrus qui avait crev?? leur fourmili??re. Les fourmis s???agglutinaient, leur millier de pattes couraient avec vigueur sur la piste ??carlate, napp??e d???un soleil de juillet ??clatant. Le coup de feu claqua dans le pr??. Chaque fille prit sa place sur le tartan. Il n???y avait pas de li??vre, car toute pouvait pr??tendre accrocher une m??daille. Lola restait coll??e ?? la troisi??me place, derri??re les deux meneuses ??thiopiennes. Leur maillot vert et rouge aspirait la lumi??re. Tiendraient-elles jusqu???au bout ? Une des anglaises for??ait le rythme, aux mille m??tres. Pourquoi ? Je ne comprends pas, se demandais Lola. Elle devait acc??l??rer aussi. L???air entrait dans ses poumons largement ouverts. Elle se sentait animale, f??line, carnassi??re. Elle avalait la plus grande des ??thiopiennes, l???anglaise sur ses talons. Deux cents m??tres encore ! La seconde ??thiopienne perdait du terrain. L???anglaise en t??te, Lola, la petite kenyane fris??e, la chinoise qui revenait dans un souffle. Cinquante m??tres. L???anglaise restait fragile. D???un coup de rein, elle la gommait du paysage. Vingt m??tres. Au coude ?? coude avec la kenyane. Dix m??tres. Cinq m??tres. Lola passa dans un trou d???air, d???un fil, d???un rien. Le stade vrombit. Explosait. Les hauts parleurs chantaient ?? tue-t??te. Lola sombrait doucement dans l?????treinte d???Agathe-Agla??. Elle ??tait championne du monde. Elle ne comprenait pas. Jolly Jumper et Hab??lard trottaient tranquillement dans sa t??te.
Tout allait si vite. Les interviews. Les t??l??s. Les mains qu???il fallait serrer. Les joues qu???il fallait embrasser. Les tonnes de fleurs b??tement coup??es, qui s???accumulaient dans ses bras, et l???enivraient de leur parfum indolent. Le drapeau bleu-blanc-rouge dans lequel il fallait s???enrouler. Faire le tour du stade. Lever la main. Saluer tous ces visages inconnus qui riaient de bonheur. Les petites filles qui couraient dans ses jambes. Attendre le podium. Monter tout en haut. Les immenses drapeaux qui descendaient du ciel, avec tant de solennit??, dans les accords ??tranges d???une Marseillaise emport??e par la brise de l?????t??. Ce n?????tait pas sa premi??re m??daille d???or, mais celle-ci pesait d???un dr??le de poids sur sa poitrine. Elle pensa ?? ses parents, soudain.
Illustration de Coq (c)