Les Jeux Olympiques de Londres commen??aient sous un crachin d?????t??, gris et l??ger, qui grossissait les eaux ??paisses de la Tamise. La cath??drale Saint-Paul, malgr?? son d??me rond et goguenard, semblait s???ennuyer ferme. Lola avait retrouv?? ses camarades anglaises, mais les promenades en bateau sur le fleuve sombre n???avaient plus les m??mes saveurs qu???autrefois. Chacune d??cortiquait ses chances de m??daille, derri??re une certaine langue de bois. Les sourires s?????taient fig??s. Sans compter la pr??sence de Morel, ses yeux de hy??nes, inquisiteurs, toujours sur le qui-vive, au cas o?? une fille d??voilerait quelque secret d???entra??nement.
Lola se languissait de la pr??sence d???Agathe-Agla??. Elle avait promis de venir, mais sa grand-m??re, presque mourante, l???accaparait sous les palmiers de son ??le. Les premi??res ??preuves qualificatives avaient lieu deux jours plus tard. Dans sa chambre d???h??tel spacieuse, mais froide et sans vie, Lola laissait ses yeux ?? la d??rive sur les images des Jeux, qui tournaient en boucle sur toutes les t??l??visions du monde.
La t??l??vision. M??lancolique, elle se rappelait d???avoir refus?? la vieille t??l?? de Monsieur Robert. Une ??ternit??. Le grand pr??. Le sevrage de Hab??lard. Leurs courses folles ?? travers les hautes herbes. Lui qui l???attendait derri??re la cl??ture, ?? la sortie du coll??ge. La lumi??re des chemins creux, filtr??e par les feuillages abondants des ch??taigniers. L???odeur de la terre argileuse, apr??s la pluie, quand les escargots s???amusaient ?? d??valer les ravines. La naissance du poulain. A??cha, si fi??re.
D??j??, Lola renfilait ses baskets. La porte de sa chambre claqua derri??re elle. Elle courait dans les rues de Londres, t??te nue, insensible ?? la pluie fine qui refusait ?? l?????t?? sa part de soleil. Elle courait le long de l???eau boueuse. Sa poche vibra, sous les assauts r??p??t??s de son portable. Morel ! Avec fureur, elle lan??a le t??l??phone dans la Tamise, sans se retourner. Elle reconnaissait Saint-Pancras, l???architecture d??licate de verre et d???acier qui semblait l???appeler. Sans r??fl??chir, l???Eurostar l???emmenait d??j?? ?? toute vitesse. Londres disparaissait derri??re les reflets des vitres du train. Le tunnel. Paris. La Gare du Nord. Un m??tro. Un autre. Encore un train. Une petite gare de campagne verdoyante. Au hasard. Personne.
Lola courait encore. Des collines douces serpentaient au dessus du bocage. Elle reconnaissait les parfums des fleurs des champs. Le bruit de la terre qui s???accrochait ?? ses semelles. La saveur des foug??res qui se tr??moussaient dans un murmure. Lola se sentait courir de plus en plus vite. Happ??e par les chemins invisibles que tra??ait la brise au creux des pr??s. Elle avait l???impression de s???allonger. Ses jambes devenaient immenses, ses cheveux devenaient crini??re flottant dans le vent, loin derri??re elle. Ses narines s???ouvraient avec force, l???air envahissait ses poumons comme jamais, immenses, profonds, en r??sonance avec la campagne environnante. Ses bras n?????taient pas en reste. Ses mains fr??missaient. Ses paumes avaient faim de terre, ses ongles devenaient sabots. Elle battait maintenant l???herbe mouvante de ses quatre membres. Pour aller plus vite encore. Elle passait d???une allure ?? l???autre, s???amusant de l???amble et du trot, raffolant du galop. Sa queue battait l???air avec force. Des senteurs d??licates de luzerne et de tr??fles chatouillaient ses naseaux.
Elle s???arr??ta. Elle regarda le ciel clair de ses grands yeux doux. Elle ??tait heureuse. Pr??s d???elle, Hab??lard lui souriait, ??mu de son retour.
FIN DE L???HISTOIRE
Illustration de Coq (c)