Alors, Antoine n’ayant vu Paul ni murmurer, ni se décourager, ni s’indigner, fut touché de componction et, le soleil ayant baissé, il lui dit : « Veux-tu que nous mangions un morceau de pain ? » Paul lui dit : « Comme il te plaît, abba. » Et cela fléchit de nouveau Antoine, qu’il n’ait pas accouru avec ardeur à l’annonce de la nourriture, mais qu’il en ait rejeté sur lui la faculté. En conséquence, ayant mis la table, il apporta des pains. Et Antoine ayant posé les galettes séchées à raison de six onces chacune, il en trempa une pour lui et trois pour Paul. Antoine entonna alors le psaume qu’il savait et, l’ayant psalmodié douze fois, il fit la prière douze fois afin d’éprouver Paul. Mais celui-ci s’unissait avec ardeur à la prière car, à ce que je pense, il eût préféré paître des scorpions plutôt que de vivre avec une femme adultère. Cependant, après les douze prières, le soir étant avancé, ils s’assirent pour manger. Or Antoine, ayant mangé une galette de pain, ne toucha pas à une autre. Mais Paul, qui mangeait plus lentement, en était encore à la sienne. Antoine attendit qu’il ait fini, et lui dit : « Mange encore un autre pain, petit père. » Paul lui dit : « Si tu en manges, moi aussi, mais si tu n’en manges pas, je ne mange pas non plus. » Antoine lui dit : « Cela me suffit, car je suis moine. » Paul lui dit : « Cela me suffit également, car moi aussi je veux devenir moine. » Antoine se leva alors et il fit douze prières et psalmodia douze psaumes.
évêque Pallade : vies d'ascètes et de Pères du désert