Derrière le miroir ...

Je suis une femme blonde. Mon regard droit, figé, butte contre la surface de verre. Je suis un homme aux cheveux bruns. Je parle très distinctement. Mon élocution résonne sous la surface plate. Je suis le président de la république, debout devant ces drapeaux colorés, qui pendent avec cérémonie. Je dormirai dans un carton ce soir, au bord de l’autoroute. Je suis un soldat. Je pénètre au-delà de toute frontière. Je n’entends pas les villages crier sous mon casque d’acier. Je suis le ciel. Je m’embrase sous les bombes. Je suis rouge. Je suis un enfant mort et la terre boit mon sang. Je suis africain. Ma machette frappe et frappe encore les corps agonisant. Je suis caché dans la montagne, dure, derrière mon vieux fusil, couvert de la poussière des déserts. Je suis pakistanaise, musulmane, mes chèvres flottent dans ce torrent de boue. Oh, mon dieu, pourquoi m’as-tu abandonnée ? Mes yeux sont aveugles, piqués par les moustiques tueurs. Je suis malade. Je suis le médicament. Je suis la voiture neuve. Je suis la truffe de chocolat. Je suis le parfum. Je suis l’évier sale. Je suis nue, sous le drap mince qui me caresse. Je suis le froid. Je suis le vent...

Texte écrit pour les Impromptus Littéraires sur le thème :

Après les agapes supposées de la fin de l'année passée et du début de la nouvelle, et pour éviter de tomber dans les poncifs habituels de cette période, nous vous proposons un premier thème "presque" philosophique, sur la base de cette phrase : "à trop se regarder dans le miroir, on finira par y voir le diable"

Au delà des éventuels aspects moralisateurs ou religieux, écrivez-nous en prose ou en vers, ce qu'elle vous inspire. Pas de contrainte particulière et il n'est pas absolument nécessaire de retrouver dans vos textes la phrase citée, ni même les mots "miroir" ou "diable". La lecture que en vous ferez vous appartient et seul votre imaginaire vous guidera.