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La Voisine

Publié le 06 janvier 2009 par Danielrondeau
Ça marchait fort en haut. Ça s’engueulait un peu aussi. De plus en plus, en fait. La petite s'est réveillée en pleurant.
- Papa, i'a du b'uit!
Faisait chier. Comment ils faisaient, dans le temps, avec leurs familles de 12 entassés dans des 6 et demi pièces doubles à l'étage? L'insonorisation ne devait pas être mieux qu'aujourd'hui. À moins qu'ils vivaient en noir et blanc, muets comme un film de Chaplin…
Ce n'était pourtant pas dans les habitudes de ces voisins-là. Ceux du dessous, oui, avec leur cuite de chèque mensuel. Celui d'à côté aussi, avec ses moult conquêtes alcoolisées de 3h du matin. Mais du dessus? On ne les voyait ni ne les entendait jamais. Des fantômes.
J'ai consolé la petite, lui ai expliqué que les voisins discutaient, qu'ils se tairaient bientôt. Mais ils me faisaient mentir et ne la fermaient pas. Surtout elle. Et quand les talons, comme les portes, se sont mis à claquer plus fort, je suis monté en me rappelant de surtout garder mon calme, rester poli…
- C'est quoi le problème? m'a servi comme entrée en matière la petite bonne femme d'en haut en ouvrant la porte. 22 ans, au plus 40 kilos, peignoir léger, cheveux en bataille. 10$ sur une engueulade d'après baise.
- C'est que…hum… On vous entend en bas. Ça a… hum… réveillé la petite.
- Il est même pas 20h30!
- C'est que… hum… 20h30, c'est une heure normale de dodo pour une enfant de 2 ans.
- La loi dit qu ej peux faire du bruit jusqu'à 23h.
- Je… hum… j'voudrais pas faire mon chiant, mais c'est faux: la loi dit que des cris, ça dérange, peu importe l'heure.
- Je criais pas.
- D'accord, vous ne criiez pas. Disons plutôt que vous traitiez votre copain de «méchant-cave-fini-à-bitte molle» pas mal fort, au point où la petite va me demander ce que ça signifie demain matin. Alors, je voulais juste vous demander de…
- Primo, voisin, je n'ai pas de copain. Deuxio, je suis seule en ce moment. Tertio, je fais ce que je veux, je suis chez moi.
Bien ma chance. Ma voisine fantôme se jouait des scènes de théâtre en solo et avait pour devise «vivre et laisse-moi vivre». Après, on se demande pourquoi les banlieues débordent…
- Je voulais seulement vous demander de faire un peu moins de bruit, c'est tout…
- Pas de ma faute si les murs sont en carton.
Sur ce message de paix, elle a claqué la porte. Je suis redescendu, dubitatif sur la suite des évènements.
Mais contrairement à ce que je croyais, ma comédienne en répétition n'a plus fait de bruit, du moins jusqu'à ce que je vois une voiture de police se garer devant chez moi, une demi-heure plus tard.

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