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Elle soupire

Publié le 07 janvier 2009 par Unepageparjour

Début d'Armance Desnoizel

Elle soupire. L’idée de l’enfant fut lumineuse. Au jour de l’an, à Etretat, penchés sur le vide, les eaux noires hurlaient au fond du gouffre qu’ils devinaient sous leurs pieds. Au dessus d’eux, l’encre de la nuit, rigide, semblait les écraser sous des paumes de géant. La tempête mugissante, lourde de reproches, grondait, à la frontière des falaises, dont le pic, comme un pieu acéré, blanc de rage au cœur des éléments, pointait vers eux sa fureur, prêt à lacérer leurs poitrines. Ils avaient fui, se protégeant mutuellement de leurs bras aveugles, courant à en perdre haleine, manquant de chuter à chaque pas, jusqu’à la maison chaude de leurs amis, qui chantaient à tue-tête. « Un bébé pour la nouvelle année ! ». Le refrain lancinant bourdonne encore à ses oreilles. Elle remarque des papillons blancs qui volettent sans but, au hasard, au ras de l’herbe. Ils s’arrêtent un instant sur une corolle jaune, puis repartent, reviennent en arrière, retournent sur la fleur, virevoltent sans fin, puis s’envolent très haut, aspiré par le bleu du ciel, qui les happe à jamais. A moins que ce ne soit eux, qui repassent par ici, de l’autre côté, près de la statue de Clotilde, au sourire figé sur les âges.

Le jour d’après fut comme un songe. La poussière de vie qui brûlait en elle, telle une chandelle minuscule, éclairait un chemin inconnu, aux contours flous, évanescents, qui changeaient d’ombre à chaque souffle. Cette flamme concentrait une chaleur nouvelle, qu’il fallait inspecter, analyser, comprendre. La logique des stratégies marketing se transformait en château de sable sec, aux formes étranges, disloquées, qui coulaient entre ses doigts, sans qu’elle ne pût en retenir la moindre essence. La vie s’invitait soudain dans ses slogans bien ficelés, brisant ses certitudes. Il n’y avait plus de nuit blanche, plus de lune aveugle écrasée sur le carreau, plus de matin pâle au goût amer. Elle devenait louve au ventre large et chaud. Elle grimpait à pas feutré sur des collines encore zébrées d’ombres. Elle goûtait la saveur fraîche des buissons protecteurs. Elle respirait l’air tiède de l’antre bienveillant. Janvier s’étira comme un territoire en demi-teinte, chargé de mystères, dont un lever de soleil clair dévoilait à peine encore les contours.


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