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Son ventre gronde

Publié le 08 janvier 2009 par Unepageparjour

Début d'Armance Desnoizel

Son ventre gronde. La faim, peut-être ? Armance a des envies de cerises. Des cerises lourdes, chaudes, bien rouges, comme des bijoux. Elle rêve de ce jus coloré, odorant, qui coule dans sa bouche, qui noie sa gorge en feu, qui irrigue ses veines, jusqu’à cette vie neuve qui hurle en elle, dans la profondeur de son corps. Elle se lève. « Je veux des cerises », crie-t-elle à Pascal, dans un texto désordonné. Elle se rassoit, plus calme. Le médecin était chauve. Son crâne luisait sous les néons blancs de son petit bureau. Elle restait couchée sur la table de l’échographie. Le cœur de son enfant résonnait sur les murs. Un écho irréel, un rythme serré. La vie qui tambourinait à plein poumon. La violence de la vie, quand elle donne un concert. Elle restait couchée, heureuse de cette musique venue de ses entrailles. La nuque de Pascal, aux cheveux rasés, piquants, drus. Son costume de laine bleue. Le médecin griffonnait des phrases sans fins. « Bien ! Bien ! Bien ! » Répétait-il. Elle n’osait pas bouger. De peur de rompre ce lien de vie qui l’unissait à son enfant. « Très bien, tout va très bien », recommençait-il. Elle scrutait la nuque de Pascal, immobile, pétrie dans le roc, surplombant ses épaules massives et cossues d’homme important. Le médecin tapotait maintenant la surface de son bureau avec la gomme grise de son porte-mine. Ses yeux vagues s’arrêtaient sur le ventre d’Armance, passaient d’une pastille à l’autre. Puis il se leva, pris d’une inspiration soudaine, ses pas le portèrent jusqu’à elle, ses mains enfouies dans les poches de sa blouse blanche, le stéthoscope autour de son cou. Elle observait le visage souriant de pascal qui se tournait vers elle. Le médecin, avec soin, défaisait l’une après l’autre les diodes qui ornaient son ventre. Petit à petit, le chant de son enfant mourut dans le silence. Un silence violent, qui frappait contre ses oreilles, à grand coup. Elle réajusta sa jupe, et vint s’asseoir à côté de Pascal. Le médecin revenait à sa place, en face d’eux, l’air absent, pris dans ses pensées. Machinal, il reprenait sa litanie « Bien ! Bien ! Très bien ! C’est très bien tout ça ! Très rassurant, pour le moment ! »


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