Magazine Journal intime

Voile d'indienne

Publié le 10 janvier 2009 par Lephauste

Je ne sais rien de plus dur à écrire qu'une chanson. c'est un art, un art de l'instant, aussi fragile que la vie sur terre, aussi pérène que l'air qui la porte sur les lèvres de ceux qui sans rien en savoir, ni l'auteur ni le compositeur ni l'interprète original, en en fredonnant parfois simplement le refrain redonnent à leur vie un souffle, là où les étouffe le monstrueux vacarme du monde. Personnellement je crois en avoir commis une, le texte au moins car pour ce qui est de la musique ... autant rester modeste. Était-ce même une chanson ? A l'origine non mais un ami qui arpentait avec talent le clavier de son piano, un Erhard quart de queue, l'avait enluminé d'une mélancolie dont je me souviens encore, voulez vous que je vous la chante ? Aller :

...

Je vous l'avais bien dit, pour ce qui est de la musique, autant rester modeste.

Mais c'est peut-être que c'est de cet ami dont je voulais vous parler. C'était un ami de l'époque où avant de se nommer ainsi il fallait un peu se fiche sur la gueule ou au moins s'écorcher ensemble avant que de rentrer avec aux lèvres angéliques le même baratin bien combiné :

- Bon alors on dit qu'on en a pas fumer des tiges ! D'ac ?

Il était arrivé un matin dans la classe, accompagné du dirlo. Un nouveau on disait. Moi j'étais seul à mon pupître, un seul encrier, personne à côté pour carotter. J'étais pas de là non plus, c'est mon père qui ... et les autres, les locaux ils me l'avaient vite fait comprendre que j'étais pas de chez eux : Parigot tête de veau ! J'avais l'air d'un veau ? Je me souviens pas, j'étais frisé comme un mouton mais parisien tête de mouton c'était pas assez poétique pour eux, sans doute.

- Écoutez moi bien tous ! Voici le petit nouveau, ses parents et lui s'installent en ville et à partir d'aujourd'hui il intègre la classe. Le silence lui répondit qu'il intrègrait rien du tout. A côté de qui va-t-il pouvoir bien s'asseoir ? Le silence lui répondit qu'il pouvait peut-être aller s'asseoir chez lui, si il avait un chez lui, bien sûr ! Je levais le doigt en me tenant le coude, je n'ai jamais aimé lever le doigt. Tiens, va te mettre à côté de Rachoub, là bas. J'étais au fond, à côté de la fenêtre. Là d'où l'on est le premier à voir les saisons changer. Le silence se fit léger. Ca les intéressait quand même, ceux d'ici, les communautaires de l'époque, un gibier tout neuf pour la cour de récré.

- C'est quoi ton nom ? Mérol il me répondit. Mérol ? Ca sonnait du coin pourtant. Et tu viens de loin ? Oh non, on est de Villeneuve, c'est à quatre kilomètres mais c'est mon père qui ... Décidément ! The big trail ! comme disent les amerloques de l'amère loque.

Quand vous croisez une roumaine avec son paquet de chiffons morveux dans les bras, un algérien, un Kurde, un je-ne-sais-quoi de je-ne-sais z'où, dites vous ça, parfois il vaut mieux être assis seul près de la fenêtre à regarder les saisons arriver et aussi que tous ces va comme j'te pousse s'appelle Mérol, d'où qu'on les ait arrachés, c'est Mérol qu'ils se nomment.

Pourquoi ? Parce que si un jour, un autre jour, il vous vient à l'esprit le texte d'une chanson c'est sûrement Mérol qui vous dira que c'est une chanson que vous avez écrite là. Tiens écoute ça, j'ai pensé que ça pourrait coller avec ton texte. Comment tu l'appelle déjà ? Voile d'indienne ? Tiens écoute !

- Brune me brûlera, pris dans les feux de ses yeux de Bengale...

Et en plus il chantait bien ce con, c't'étranger !

Salut Didier !


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