La douche d'Elisa

Elisa aime prendre de longues douches. Parfoiselle disparait sans prévenir, et va s'enfermer dans la salle de bains.Ce n'est qu'après plusieurs minutes d'ambiance sonore de chute d'eauque mon attention est alertée qu'Elisa est partie prendre son bain. Jepense qu'elle utilise autant d'eau pour sa douche qu'elle l'aurait faitpour un bain.
Hier elle m'a expliquée qu'elle aimait restercomme cela, le pommeau de douche à hauteur du plexus solaire et laisserl'eau couler sur elle. De temps en temps, quand le froid aura atteintses épaules, elle remonte le pommeau de douche, et le fait coulerdepuis le haut de sa nuque et balayer son dos. Mais très rapidement, lepommeau reprend sa place au creux de ses seins.
Elle reste là, debout, pensive, l'eau coulantsur son corps, lui léchant le sexe et dégoulinant le long des sescuisses, s'enlaçant autour de ses mollets pour finir par rejoindre lefilet d'eau discontinu qui noie les pieds et qui par, la pente aidant,vers l'inexorable siphon vers laquelle elle disparait sans bruit.
Ce n'est que quand Elisa tourne le robinet etmet fin à la pluie que l'eau part dans un dernier râle, emportée dansles profondeurs des tuyauteries de l'immeuble.
Mais déjà Elisa a sauté de la baignoire et s'est emparée d'une serviette pour se sécher avec des gestes énergiques.
A quoi pensait elle quand pendant sa communionavec l'eau ? Je l'entends sortir de la salle de bain et chercher dansun placard quelque chose pour se vêtir. Elle ne devrait plus tarder àentrer dans le salon. Je ne vais pas manquer de lui demander...
"A toi darling" dit-elle en souriant et en prenant un chewing gum.
"Mais encore ?"
Elle machouille et penche sa tête sur le côté.
"Hummm... Et bien je pensai au fait que tu semblais abandonner le projet de notre livre..."
"Pas du tout ! Au contraire. Je pense que nous avons trouvé là lebon format. L'histoire de cette femme, de ces deux femmes ? ou plutôtcette dualité qui est ressentie dès le départ. D'ailleurs ce paradoxeest quelque chose qui est selon moi dans chacune des femmes, ou tout aumoins il peut être ressenti par le côté féminin et sensible de chaqueêtre. De l'autre côté, je te le rappelle, il y avait ces trous dans lachronologie du récit. Et bien c'est précisément le bon endroit ouplacer des textes de Méléon. Cela permettra d"apporter le complémentd'informations que tu n'as pas délivré dans tes descriptions. Et puisnarcissiquement parlant, je préfère que ce soit quelqu'un d'autre quemoi qui écrive un livre sur moi. Enfin... Sur Méléon... Mais je mecomprends... Finalement je suis d'un narcissisme pudique.".
Cette dernière phrase me fait sourire de plaisir, me donnant unenouvelle preuve de mon narcissisme. J'aime bien cette capacitéd'auto-satisfaction.
Elisa parait rassurée par mon discours. Ellemâchouille toujours son chewing gum et dodeline de la tête. Elle medécroche un sourire, prend la gomme et la roule entre ses doigts. Ellesemble réfléchir. Je me demande si finalement ma vision du livre n'estpas trop éloignée de ce qu'elle même avait imaginé. Elle est concentréeet fixe la gomme qu'elle tourne et retourne entre ses doigts.Brusquement elle relève la tête, me regarde, puis me lance :
"Et si on allait manger darling ?"