La lumière jaune brillait sur les murs de sa chambre d’hôpital. Lentement, son esprit remontait du puit. Mais la nuit restait collée à la fenêtre. Pascal somnolait, assis sur une chaise, la tête contre l’armoire, son costume de soirée déboutonné. Elle se rappelait des bateaux, des vagues, des nuées noires qui broyaient le ciel parisien.
La main de Pascal pesait sur la sienne. Elle ouvrait les yeux sur une brume morne et blafarde. « C’est le matin », disait-il. « Que veux-tu que ton matin me fasse », répondait-elle.
Ce fut ensuite la longue litanie des scènes habituelles, des allées-venues programmées, métronome d’une journée sans fin. La température. Le petit déjeuner. La visite de l’interne. L’infirmière de nouveau. Le repas de midi. La température. La sieste. La télévision. Le téléphone. Le repas du soir.
Pascal restait là, impassible, entrant, sortant, suivant les injonctions du corps médical.
Armance aima le soir, seule avec elle-même. Sa vie ressemblait tant à ces pages d’écolier, aux lignes bien tracées, avec le grand trait rouge délimitant la marge, et qui soudain, s’enfoncent dans une flaque d’eau, les encres des lignes se mélangent, le bleu et le rouge deviennent violet, et montent à la surface en petits nuages au forme évanescentes, jusqu’à disparaître, comme si rien de tout cela n’avait vraiment existé. Le papier reste blanc, immaculé, propre. Avec tant de chose à écrire ! Toute droite, sous le linge grossier de l’APHP, son regard errait sur les lambeaux de lumière que l’embrasure de la porte laissait filtrer. Tant d’activités, tant de courses, tant de décisions, et si peu d’épaisseur. Ses pensées se consumaient, de terrains vagues en terres étrangères. Elle ne reconnaissait pas les pierres, les briques, les tuiles, les rondins de bois, dont elle savait si bien se servir pour construire sa vie et celles des autres. Tout devenait sable, eau et vent.
Armance regarde la petite fille aux boucles brunes courir derrière les moineaux. Elle tend ses bras, ouvre ses mains, pour les saisir, mais ils sautillent, de quelques pas, ou volettent, d’un souffle, pour échapper à son étreinte. Elle tourne, au gré de leur vol, happant l’air de ses doigts vides, de plus en plus vite, en riant. Ils se posent, gobent une miette invisible, et repartent, le temps qu’elle s’approche.
Elle repense à sa décision prise à l’hôpital, de tenter le test, pour retrouver quelques fondations, quelques troncs où s’asseoir. Même si ce n’est qu’un instant.
La petite fille tombe.